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Corruption présumée au Parlement européen: des élus et ONG réclament une "réforme en profondeur"

Le siège du Parlement européen à Strasbourg, le 9 mai 2022

Le siège du Parlement européen à Strasbourg, le 9 mai 2022 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Quatre personnes ont été inculpées et écrouées ce dimanche pour soupçons de "corruption" et "blanchiment d'argent" en bande organisée, dont la vice-présidente du Parlement européen. Des ONG et élus demandent la fin d'une "culture de l'impunité" à Bruxelles.

Des révélations qui font réagir. Plusieurs ONG et élus appellent pour des réformes au Parlement européen, alors que quatre personnes, dont la vice-présidente de l'institution, ont été inculpées et écrouées ce dimanche pour "appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d'argent et corruption" en lien avec la Qatar.

"Nous ne ferons pas comme si de rien n'était (...). Nous devons renforcer nos règles pour que ça ne se reproduise plus. (...) L'heure est venue pour une réforme en profondeur", a notamment appelé samedi l'ONG de lutte contre la corruption gouvernementale et institutionnelle Transparency International. Ils souhaitent la fin d'une "culture de l'impunité" à Bruxelles.

Cinq interpellations ont été réalisées vendredi soir dans la capitale européenne, à l'issue d'au moins 16 perquisitions. La vice-présidente du Parlement européen a dans la foulée été suspendue de ses fonctions, avant d'être, ce dimanche, inculpée et écrouée. Eva Kaili a été interpellée en possession de "sacs de billets", selon une source judiciaire proche du dossier.

Une enquête a été ouverte pour des soupçons de versements d'argent "conséquents" par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés. Si le parquet fédéral n'a pas nommé le pays concerné, une source proche du dossier indique qu'il s'agit du Qatar.

Pas un "incident isolé" pour une ONG

Pour Transparency International, ces révélations ne constituent pas une surprise. "Il ne s'agit pas d'un incident isolé", affirme l'ONG.

"Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l'impunité (...) et une absence totale de contrôle éthique indépendant", condamne-t-elle fermement.

"Ce scandale ouvre plusieurs boîtes de Pandore d'un coup", estime pour sa part sur Twitter un professeur de droit au Collège de l'Europe à Bruges, Alberto Alemanno. Il dénonce entre autres "l'influence étrangère qui pèse sur l'UE" et un "système éthique européen imparfait chez les députés".

Loiseau "approchée" par des Qataris

L'eurodéputée Renaissance (ex-LaREM) Nathalie Loiseau a elle aussi appelé pour des changements, après avoir révélé samedi sur France Info avoir déjà été "approchée par des lobbyistes qatariens il y a quelques mois".

"Ils trouvaient que j'étais trop critique sur le Qatar et m'ont en quelque sorte menacée (...). Je leur avais fait savoir que j'avais pris des captures d'écran de leurs messages et que je me réservais le droit de réagir s'il se passait quoi que ce soit", a-t-elle assuré.

En réaction aux révélations, l'ancienne ministre chargée des Affaires européennes a encouragé à "lutter contre les courroies de transmission de l'ingérence". "Si ces gens n'ont pas de conviction mais seulement des comptes en banque, ils n'ont rien à faire au Parlement européen", a-t-elle fermement condamné.

Auditions en cours

L'affaire éclate en plein Mondial de football au Qatar, alors que le pays organisateur, sous le feu des critiques, tente de défendre sa réputation en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs.

Samedi, les auditions de cinq suspects se sont poursuivies à Bruxelles, selon un porte-parole du parquet fédéral. Un éventuel placement en détention provisoire par le juge d'instruction doit être décidé dans un délai de 48 heures après l'interpellation, soit ce dimanche au plus tard.

Parmi les quatre interpellés figurent un assistant parlementaire attaché au groupe Socialistes et Démocrates (S&D), qui est le compagnon d'Eva Kaili, ainsi que l'ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, lui aussi socialiste. Les deux autres sont un directeur d'ONG et un leader syndical de nationalité italienne.

Juliette Desmonceaux