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Le blues des étudiants grecs: "mon diplôme n’aura aucune valeur"

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- - Alexandre Masson - CELSA

Avec un taux de chômage supérieur à 50%, la jeunesse grecque subit la crise de plein fouet. En particulier les étudiants grecs, dont l'avenir s'est considérablement obscurci en l'espace de cinq ans. Rencontre à Athènes avec cinq d'entre eux.

Plus d’un jeune sur deux au chômage, des études supérieures difficiles à financer, la multiplication de petits boulots sous-payés, de maigres aides de l’Etat… Après cinq années de crise, la situation des étudiants en Grèce s'est considérablement dégradée. Si l’université publique est gratuite dans le pays, les places sont chères: impossible d’intégrer une fac sans réussir un concours d’entrée, qui coûtent entre 400 et 700 euros par mois. Autant dire une fortune.

A Athènes, les étudiants en sciences politiques et sociales de l’Université Panteion évoquent leurs difficultés, entre détermination et maigres espoirs.

Mario, 21 ans, troisième année en relations internationales et européennes

"Je suis arrivé à l’université en 2012, en plein milieu de la crise. Les infrastructures étaient déjà mauvaises et cette situation n’a fait qu’empirer. Cela engendre un manque de motivation chez les étudiants. Mes parents assument tous mes besoins. Ils m’ont payé des cours privés à 700 euros par mois pendant deux ans pour réussir le concours d’entrée (à la fac). Maintenant, ils prennent en charge mon loyer de 250 euros et me donnent 300 euros d’argent de poche.

Je ne suis pas à plaindre, ma vie d’étudiant est agréable. La majorité de mes amis n’a pas cette chance. Ils exercent des petits boulots comme serveurs ou téléopérateurs. Ils sont payés une misère, entre 300 et 400 euros par mois, pour huit heures de travail par jour. Et le salaire arrive souvent avec un mois de retard.

J’aimerais être diplomate ou parlementaire. Comme 90% des étudiants, j’envisage de partir pour trouver un travail à la hauteur de mes qualifications. Je reviens du Danemark. Les infrastructures, les transports publics, l’état des routes… C’est impressionnant, je me suis cru dans le futur!"

Sotiris 19 ans, première année en journalisme

"Je suis inquiet pour mon avenir. J’étudie une matière sans débouché en Grèce. Mon diplôme n’aura aucune valeur. On verra bien…

J’habite à Athènes avec ma soeur. Nos parents nous paient le loyer et me donnent entre 100 et 200 euros pour la vie de tous les jours. La majorité de cette somme passe dans les courses quotidiennes. Je dois faire attention mais je peux me permettre quelques petits plaisirs. A Athènes, ça suffit pour bien vivre quand tu es étudiant."

Ada, 21 ans, troisième année en psychologie

"J’aimerais être psychologue, mais je sais qu'en Grèce, je n’en aurai pas l’opportunité. Ça me rend triste mais je vais devoir partir, en Angleterre ou en Allemagne. Pour l’instant je vis avec mes parents qui sont professeurs. Ce sont eux qui ont assuré mes cours privés. Heureusement sinon j’aurai dû dépenser une fortune.

J’ai travaillé dans une bibliothèque privée lors de ma première année d’étude, mais je préfère me consacrer à mes études maintenant, même si c’est dur financièrement. Surtout depuis deux ans, car la fac ne nous donne plus qu’un manuel par matière alors qu’elle en donnait deux avant. Cette année j’ai dû en acheter deux, à plus de 50 euros chacun. Ce n’est pas obligatoire mais si on veut réussir il n’y a pas d’autre alternative."

"Il faut penser à chaque euro que tu dépenses."

John, 23 ans, troisième année en journalisme

"Il y a un gros problème au niveau de l’accessibilité pour les personnes souffrant d’un handicap physique comme moi. Par exemple, les rampes pour les fauteuils se sont détériorées ces dernières années à cause de la rouille, et elles n’ont pas été rénovées ou remplacées. A cause de ça, j’ai des difficultés pour accéder à certaines salles dans l’université.

Je sais qu'il me sera difficile de trouver un emploi dans mon domaine d’études, mais je n’ai pas peur. Je partirai peut-être à l’étranger, je ne sais pas encore. Je vis avec ma mère et ma soeur. Financièrement, c’est très compliqué. Il faut penser à chaque euro que tu dépenses. Et même en faisant attention, certaines fins de mois sont vraiment difficiles."

Dimitra, 25 ans, master de sociologie

"Si j’ai peur pour mon avenir ? Oui et non. Je sais que c’est difficile de trouver un CDI en Grèce, mais je suis sûre qu’à force de persévérance, on peut trouver. Pour le moment, je ne pense pas vraiment au futur, je vais d’abord terminer mon master et on verra après. De toute façon j’envisage de voyager à travers l’Europe. La crise n’a rien à voir avec cette décision, j’ai toujours voulu allez voir ailleurs. Si je trouve un boulot dans un pays européen, je n’aurais aucun regret à quitter la Grèce."

Article publié sur le site Newsgreek.fr, le projet des étudiants en journalisme du Celsa à Athènes, en partenariat avec BFMTV.com.

Alexandre Masson et Quentin Moynet, à Athènes