Jeudi sanglant en Ukraine: pourquoi un tel embrasement?

La place de l'Indépendance à Kiev, ce jeudi, a été le théâtre de sanglants affrontements. - -
Le jeudi sanglant qui a endeuillé Kiev est le résultat de trois mois de combat acharné entre pro-Europe et pro-Russie. Tout a commencé par un refus du gouvernement ukrainien de se rapprocher de l'Union européenne, en novembre dernier, au profit d'un rapprochement avec la Russie. Des partisans pro-européens ont alors lancé un mouvement de contestation à Kiev, mouvement qui, au fil des semaines et de la violente répression des autorités ukrainiennes, s'est radicalisé.
Depuis, chaque partie campe sur ses positions. Et ce dialogue de sourds, qui s'est soldé par une nouvelle impasse diplomatique jeudi soir, pourrait bien coûter encore cher à la population, déjà endeuillée par la centaine de manifestants tués par balle jeudi, place Maïdan. Retour sur un conflit pour l'instant sans issue.
Comment ont repris les violences cette semaine?
Après une accalmie de plusieurs semaines, les violences ont repris mardi matin, jour où le Parlement devait discuter des amendements à la Constitution. Des contestataires ont lancé des pavés et des cocktails Molotov vers les policiers -qui ont répliqué avec des grenades assourdissantes- avant de prendre d'assaut le siège du Parti des Régions du président Viktor Ianoukovitch.
Les forces anti-émeutes ont donné l'assaut le soir même et partiellement réoccupé Maïdan, la place de l'Indépendance, transformée depuis le début de la crise en camp retranché par les opposants.
Jeudi matin, après une nuit de trêve, les violences ont repris de plus belles. Les manifestants ont d'abord repoussé les policiers avant d'être la cibles de tirs à balles réelles, faisant une centaine de morts.
Comment en est-on arrivé à l'embrasement actuel?
L'opposition est mobilisée depuis la décision surprise du pouvoir, fin novembre, de renoncer à un accord économique avec l'Union européenne, en préparation depuis plusieurs années, au profit de relations resserrées avec la Russie.
La contestation s'est intensifiée après la dispersion musclée des premières manifestations à Kiev, les opposants exigeant alors le départ du président. À plusieurs reprises en décembre, l'opposition a mobilisé des centaines de milliers de personnes à Kiev.
Le mouvement s'est radicalisé en l'absence d'avancée obtenue par les leaders de l'opposition, notamment le boxeur Vitali Klitschko. Les groupes radicaux, pour certains d'extrême droite comme Pravy Sektor (Secteur Droit) ou anarchistes comme Spilna Sprava (Cause commune), ont pris une importance croissante, poussant à l'occupation de certains bâtiments publics.
Que font les Européens?
Avec les États-Unis, l'Unio européenne a proposé sa médiation, dépêchant plusieurs hauts diplomates à Kiev, dont la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, ce qui lui a valu des accusations d'ingérence de la Russie.
Après avoir semblé hésiter sur le sujet, l'UE a haussé le ton ces derniers jours et menacé de sanctions les responsables des violences. Aucun consensus n'a cependant été trouvé au sein des 28 sur la nature et la portée de ces sanctions, ni sur les personnes qu'elles viseraient.
Les États-Unis ont de leur côté révoqué les visas de plusieurs Ukrainiens impliqués selon eux dans des violences contre les manifestants.
Appelés à l'aide par l'opposition, l'UE et les Etats-Unis ont indiqué préparer une aide financière à Kiev, au bord de la faillite, avec le Fonds monétaire international. Là encore, les détails sont restés flous.
Quelle est la position de la Russie?
Refusant officiellement jusqu'à présent toute ingérence, la Russie a décidé jeudi d'envoyer un représentant à Kiev pour une médiation. Moscou voit d'un très mauvais oeil la tentation de cette ancienne république soviétique de se rapprocher de l'UE, qui de son côté l'accuse de chantage économique sur l'Ukraine.
Après le rejet par Kiev du pacte proposé par Bruxelles, la Russie a accordé un prêt de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et une réduction des prix du gaz représentant plusieurs milliards de dollars. L'opposition a accusé le pouvoir de vendre le pays à Moscou.
Après avoir versé trois milliards de dollars fin décembre, Moscou suspend désormais son aide à un retour au calme.
Le Kremlin a assuré que le président Vladimir Poutine, qui a eu un entretien avec son homologue ukrainien dans la nuit de mardi à mercredi, ne donnait pas de conseils à Viktor Ianoukovitch.