Municipales en Italie: "une lourde défaite pour Beppe Grillo"

Beppe Grillo, leader du Mouvement des 5 étoiles, à Rome le 21 avril. - -
Ils avaient créé la surprise lors des législatives de février. Beppe Grillo, l'ancien comique, et son Mouvement 5 étoiles (M5S) étaient entrés en force au Parlement avec 54 sénateurs et 109 députés, devenant la troisième force politique italienne.
Trois mois plus tard, c'est la désillusion aux municipales qui se sont terminées ce lundi soir. Le M5S n'a réussi à se maintenir au second tour dans aucune grande ville.
Cette défaite marque-t-elle la fin d'un mouvement éphémère ou le parti, qui avait capitalisé sur le rejet de la classe politique traditionnelle aux législatives, a-t-il encore les moyens de peser? Éléments de réponse avec Pierre Musso, professeur de Sciences politiques à l'université Rennes II et spécialiste de l'Italie.
Comment doit-on analyser les résultats du M5S aux municipales?
Il faut d'abord rappeler qu'il s'agissait de municipales dans 92 communes seulement et que ces élections ont enregistré une abstention record, à 51%. C'est donc un échec relatif, qu'il faut considérer à la lumière de ces éléments.
Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une lourde défaite pour Beppe Grillo et les siens. Ils n'ont réussi à se maintenir nulle part. Ils ont obtenu des scores inférieurs à 5%. Même en Sicile, le fief de Grillo, qui lui a servi de rampe de lancement l'an dernier et que le mouvement considère comme un laboratoire. Là-bas, le deuxième tour n'a pas encore eu lieu mais ils ne passent pas le premier tour dans 3 des 4 grandes villes. C'est un signal fort.
Pourquoi les Italiens se sont-ils détournés du Mouvement 5 étoiles?
Beppe Grillo a refusé une alliance avec la gauche puis il a refusé de participer à la rande coalition qui gouverne le pays. Les Italiens ont analysé son geste comme un refus de prendre des responsabilités. Or, au moment où l'Italie traverse une crise terrible, ils ne lui ont pas pardonné. Il a su porter leur colère mais il n'a pas su transformer le mouvement.
Ajoutez à cela les dissensions internes concernant les indemnités parlementaires (les élus M5S avaient prévu de ne garder que 2.500€ sur les 11.000€ qui leur sont versés mais se déchirent désormais sur le sujet, ndlr), le fait que le groupe parlementaire éclate au Sénat...
De toutes façons, le M5S est basé sur un fonds stratégique empli de contradictions. Beppe Grillo lui-même défend des idées libertaires tout en étant un autocrate. Son mouvement a raflé des voix à gauche, au centre et à droite. Il porte des idées qui le rapproche à la fois de l'extrême-gauche et de l'extrême-droite. Il s'est présenté comme un mouvement composite. C'est ce qui a assuré son succès rapide mais cela ne suffit pas pour un succès pérenne. Le mouvement portait en germes ce qui le fait éclater aujourd'hui.
Quel peut être l'avenir du mouvement désormais?
À mon sens, le M5S n'était effectivement qu'un mouvement éphémère qui a bénéficié, dans un contexte bien déterminé de crise socio-économique et de crise de confiance, d'un large mouvement de critique de la politique. Mais si la crise s'aggrave et que le gouvernement ne parvient pas à améliorer la situation, ils peuvent se redresser et confirmer leur succès de février. Ensuite, deux hypothèses: soit ils refusent toujours toute responsabilité et se marginalisent, soit ils devront faire le choix de rentrer dans le système en passant des alliances. Avant leur arrivée, le système italien fonctionnait sur un bipolarisme entre centre-droit et centre-gauche. Il peut tout à fait y revenir avec des alliances recomposées.
Concrètement, il faudra surveiller les prochaines décisions judiciaires concernant Silvio Berlusconi. Pour l'instant, les Grillini ne comptent pas. Tant qu'il y a une alliance entre le PDL de Berlusconi et la gauche de Bersani, ils n'ont aucune carte en mains. Mais si le parti de Berlusconi sort de la coalition, les cartes seront rebattues. Et on verra alors si le M5S prend des responsabilités.
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