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TOUT COMPRENDRE. Interpellations, émeutes... Pourquoi les violences racistes dans le sud-est de l'Espagne flambent

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De violentes émeutes racistes éclatent depuis plusieurs dans une ville du sud-est de l'Espagne, Torre Pacheco, après l'agression d'un retraité par, selon ce dernier, trois jeunes d'origine nord-africaine.

La ville de Torre Pacheco est sous tension. Chaque nuit depuis vendredi 11 juillet, des émeutes éclatent dans la ville du sud-est de l'Espagne, menées par des militants d'extrême droite.

Dans la région de Murcie, les autorités tentent d'endiguer les violences, sur fond de racisme, depuis trois nuits.

• Un retraité agressé au cœur des violences

À l'origine de cette flambée de violences, l'agression d'un retraité de 68 ans. Mercredi 9 juillet à l'aube, l'habitant a raconté avoir été violemment attaqué par trois jeunes d'origine nord-africaine, sans motif apparent.

Une agression apparemment filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, qui a mis le feu aux poudres. D'abord, dans une volonté de soutien, le maire de Torre Pacheco Pedro Ángel Roca Tornel (Parti populaire, conservateur) a organisé un rassemblement pacifique le vendredi 11 juillet.

Mais c'est cette manifestation qui a dégénéré en raison de la présence de groupes d'extrême droite venus diffusés des messages anti-immigrés, tel que "Deport them now" qui appelle à une "chasse" aux personnes d'origine nord-africaine.

• "On veut simplement de la justice"

Dès lors, des nuits d'émeutes se sont suivies dans la ville, avec des affrontements entre groupes d'extrême droite, migrants d'Afrique du Nord et la police anti-émeutes. Ceux-ci ont fait plusieurs blessés, selon la préfecture.

"Si les autres Maghrébins de la commune ne collaborent pas à l'identification des coupables, ils deviendront automatiquement coupables et devront payer", ont écrit les militants d'extrême droite sur Telegram.

"On ne veut pas de violence, on veut simplement de la justice", a assuré un des émeutiers à BFMTV. "Être tranquilles, vivre en paix dans notre ville."

• Dix interpellations dont trois pour l'agression du retraité

Ce lundi soir, les autorités espagnoles ont annoncé l'interpellation de dix personnes depuis le début des affrontements.

Parmi elles, trois ont été interpellées dans le cadre de l'enquête ouverte après l'agression du retraité espagnol a ajouté Mariola Guevara Cava, la déléguée du gouvernement central dans la région de Murcie.

Cette dernière avait déjà fait état de l'arrestation de deux "immigrés" n'habitant pas à Torre Pacheco. La troisième personne a été arrêtée au Pays basque, dans le nord du pays, alors qu'il se dirigeait vers la France, a-t-elle précisé ce lundi soir.

Les sept autres, un citoyen marocain et six Espagnols, ont été interpellés pour leur participation aux affrontements qui ont suivi. Ils sont poursuivis pour des délits de "troubles à l'ordre public", "haine" et "blessures volontaires", a-t-elle détaillé.

• La plupart des émeutiers venus d'autres villes

Dans cette ville, la montée en tension des affrontements reste un choc. Parmi les 36.000 habitants qui résident à Torre Pacheco, 30% sont des immigrés principalement d'origine marocaine. "Ce sont des gens qui vivent dans la ville depuis plus de 20 ans", a insisté l'édile Pedro Ángel Roca Tornel.

À l'échelle nationale, la diaspora marocaine est la plus importante d'Espagne, avec 920.000 personnes.

"À quelle époque vivons-nous, on est en 2025, on aime les immigrés et on vit ensemble", s'exclame Sonia Soler, habitante de la commune, au micro de BFMTV. "On s'aime les uns les autres!"

Pourtant, la déléguée du gouvernement a annoncé que la plupart des émeutiers ne venaient pas de Torre Pacheco. Près de 80 personnes ayant pris part aux altercations ont été identifiées par les autorités et "beaucoup d'entre elles ont des antécédents pour des faits de violence".

• Un appel au calme

Les autorités espagnoles ont lancé ce dimanche 13 juillet un grand appel au calme dans la ville de Torre Pacheco. Le maire a notamment exigé "plus de gardes civils et d'agents de la police nationale" pour protéger les citoyens.

"Torre Pacheco doit retrouver la normalité. (...) Je comprends la frustration, mais rien ne justifie la violence", a écrit dans un message sur le réseau social X le président conservateur de la région de Murcie, Fernando López Miras, en assurant que l'agression subie par ce retraité ne resterait "pas impunie".

Le président du gouvernement espagnol a lui même estimé que l'Espagne devait "agir avec fermeté et défendre les valeurs qui unissent" les Espagnols. "Le racisme n'est pas compatible avec la démocratie", a écrit Pedro Sánchez sur X.

• Des provocations politiques et de la désinformation pointées du doigt

Au lendemain de cet appel au calme, Fernando López Miras a salué "l'engagement" du ministre espagnol de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska qui a déployé des moyens pour mettre fin à cet épisode de violences.

Ce dernier a par ailleurs accusé ce lundi à la radio le parti d'extrême droite Vox d'être à l'origine des conflits à Torre Pocheco, en raison de ses déclarations sur l'immigration illégale qui a "rompu la paix et la prospérité" en Espagne, "incitant à des actions illégales".

De plus, certains accusent des groupes d'attiser la haine par la désinformation, alors que le média RTVE a identifié une vidéo de la supposée agression du retraité espagnol qui circule sur les réseaux sociaux et s'avérerait fausse. "La victime a déclaré elle-même ne pas être la personne qui apparaît sur la vidéo", écrit le média. À cela s'ajoutent de faux documents, de faux communiqués ou encore les photos des suspects qui ne sont pas avérées.

Juliette Moreau Alvarez avec AFP