Comment le projet de Macron pour l'Europe est-il perçu en Allemagne?

Emmanuel Macron mardi à la Sorbonne, à Paris. - Ludovic Marin - AFP
Emmanuel Macron a frappé fort. Mardi à la Sorbonne, le président de la République a exposé ses plans pour l'Europe. Affirmant à plusieurs reprises que c'était "le bon moment" pour "être ambitieux", il a énuméré une vingtaine de propositions concrètes, allant d'une Europe de la Défense à la convergence fiscale et sociale, ou encore l'extension du programme Erasmus au-delà du monde étudiant.
Une série de propositions accueillie poliment en Allemagne. Le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a affirmé qu'Emmanuel Macron pouvait "compter" sur l'Allemagne. Cem Özdemir, coprésident des Verts allemands et pressenti pour devenir le futur ministre des Affaires étrangères d'une coalition "jamaïcaine" (CDU-FDP-Verts), a lui aussi souhaité que l'Allemagne saisisse la main tendue par le président français.
Les libéraux allemands, "un cauchemar pour Paris"
Mais mardi soir, la presse allemande n'a pas manqué de souligner que la tâche risquerait d'être compliquée pour Emmanuel Macron. "Il doit s'attendre à de fortes résistances, notamment venues d'Allemagne", affirme ainsi le Spiegel sur son site.
Principale critique: un budget propre à la zone euro. "De quoi effrayer les Européens de l'est, qui sont contre une Europe à plusieurs vitesses", rappelle le Spiegel. Mais ce sont surtout les politiques allemands, conservateurs et libéraux, qui risquent de poser problème à Emmanuel Macron.
Les conservateurs de la CSU, alliés d'Angela Merkel, ont d'ailleurs exprimé leur scepticisme mardi. "Les plans de Macron conduisent à faire de la zone euro une union de transferts (financiers) illimitée et dissoudre le pacte de stabilité. Ce sont pourtant les mauvaises leçons de la crise de l'euro", a jugé Hans Michelbach, député CSU.
Outre la CSU, Angela Merkel est pressentie pour diriger une coalition avec les libéraux du FDP, qui refusent clairement un budget de la zone euro. "Le FDP dans la coalition, et potentiellement au ministère des Finances, c'est un cauchemar devenu réalité pour Paris et Bruxelles", titre le quotidien conservateur die Frankfurter allgemeine Zeitung. Et le score décevant du parti de la chancelière (32,9%) ne l'aidera pas à s'imposer face à ses alliés.
"Angela Merkel est la nouvelle François Hollande"
"Ces dernières années, on n'a pas cessé de se plaindre qu'on n'avançait pas assez sur l'Europe", écrit l'hedbomadaire die Zeit sur son site.
"Avec un François Hollande aux commandes en France, il était difficile d'avancer (…) Désormais, la France a un président fort, avec un projet européen. Et l'Allemagne a une chancelière affaiblie. Angela Merkel devra composer avec l'entrée de l'AfD au Bundestag: il lui restera peu d'énergie à consacrer à l'Europe. Du point de vue européen, Angela Merkel est donc la nouvelle François Hollande."
Le site de l'hebdomadaire de centre-gauche appelle à suivre Emmanuel Macron.
"L'attitude stricte de l'Allemagne ces dernières années sur le budget était normale. Mais depuis, la zone euro va mieux. Irlande, Portugal, Espagne ont surmonté la crise. Il est temps d'introduire des réformes. Sans réforme, il faut s'attendre à une nouvelle crise", écrit die Zeit, brandissant le danger du "populisme".
"Ce n'est pas un secret que Macron espérait une coalition pro-européenne en Allemagne", affirme de son côté le Tagesspiegel. "Mais il ne peut pas laisser ses plans être déconstruits par l'hésitation allemande: sa crédibilité dans son propre pays est en jeu." Le quotidien avertit: "Il se cherchera donc d'autres partenaires et ça ne peut être que les Etats du sud de l'Europe. Si l'Allemagne refuse de suivre Macron, elle renoncera donc au développement futur de la zone euro. Et cela, c'est inimaginable."