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Allemagne

Attentat à Berlin: 100.000 euros de récompense offerts par la police, une pratique courante?

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La police allemande est à la recherche d'un homme de 24 ans, Anis Amri, suspecté d'être l'auteur de l'attentat sur le marché de Noël à Berlin qui a fait 12 morts. Alors qu'une récompense est proposée pour toute information permettant sa capture, la pratique fait débat outre-rhin.

Wanted. Depuis mercredi, l'avis de recherche avec la photo et le signalement du principal suspect dans l'attentat sur le marché de Noël à Berlin circule dans toute l'Allemagne et même en Europe. Loin des affiches des westerns américains, sur celle diffusée par la police allemande, une récompense de 100.000 euros est offerte pour toute information qui permettrait la localisation et l'arrestation d'Anis Amri, ce Tunisien de 24 ans.

En Allemagne, il est extrêmement rare que la police fasse appel à la population et offre une récompense pour la capture d'un suspect. Il pourrait s'agir d'une conséquence des lacunes des investigations menées par les autorités, une nouvelle fois ralenties mercredi par une faute d'orthographe dans les mandats pour perquisitionner un centre où le Tunisien avait séjourné dans l'ouest du pays.

Crédibilité de l'information

Mardi déjà, après la mort de 12 personnes renversées par un camion sur le marché de Noël de Berlin, l'enquête avait connu ses premiers loupés. Rapidement interpellé, un ressortissant pakistanais de 23 ans, présenté comme un suspect dans l'attaque, avait dû être relâché, faute d'éléments probants contre lui. Tout s'est accéléré le lendemain avec la découverte de papiers d'identité dans la cabine du camion permettant d'orienter les recherches vers Anis Amri.

Désormais la Bundeskriminalamt (BKA), la police fédérale allemande, croit tenir son homme. "A partir du moment où l’on cherche à payer pour avoir de l’information, c’est qu’il y a de la crédibilité sur l’origine de la responsabilité de l’auteur", confirme Christophe Caupenne, ancien négociateur du Raid. Les policiers comptent désormais sur un proche ou un voisin du suspect pour mettre la main sur Anis Amri. Dans les premières heures de l'enquête, la police allemande a reçu 500 appels, dont 80 ont été pris au sérieux.

Une récompense importante pour les réfugiés

Dans ses recherches, les autorités allemandes ont confirmé que le Tunisien de 24 ans, qui a déposé une demande d'asile, avait séjourné dans des centres pour réfugiés. Avec cette récompense, c'est bien eux que les enquêteurs souhaitent inciter à coopérer. "100.000 euros ça ne fait rien pour les Allemands, en revanche 100.000 pour les réfugiés, ça compte énormément", rappelle Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris.

La récompense offerte par la police allemande peut laisser à penser qu'aucune piste ne peut être exploitée ou qu'aucun élément ne viendra à elle spontanément. Cette dernière serait "acculée" selon Luc Poignant, du syndicat Unité SGP Police FO, pointant du doigt le risque que représente cette méthode. "Lorsqu’en France on fait juste un appel à témoin, on demande un simple geste de civisme, on reçoit des centaines d’appels, décrypte-t-il. Imaginez lorsque l’on promet une prime, ce sont des dizaines de milliers d’appels, et donc ça nécessite obligatoirement des fonctionnaires derrière pour vérifier chaque information, aussi farfelue soit-elle."

Une pratique peu répandue en Europe

En France, si la police rémunère ses indics, offrir une récompense reste une exception. En 1986, la pratique fut utilisée. Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur promettait un million de francs pour toute information permettant d'arrêter les terroristes qui ont perpétré l'attentat de la rue de Rennes tuant sept personnes. La dernière fois, c'était en 2007 lors des émeutes de Villiers-le-Bel. En Europe, parmi la quarantaine de fugitifs activement recherchés, pour trois d'entre eux une récompense de 2.900 et 10.000 euros est offerte.

A l'inverse, aux Etats-Unis, la méthode est courante. Pour localiser Oussama Ben Laden, la Maison-Blanche a promis, au lendemain des attentats du 11 septembre, 25 millions de dollars - et jusqu'à 50 millions dans les années suivantes. Désormais, les efforts des services de renseignement américain se concentrent sur Abou Bakr al-Baghdadi, autoproclamé calife de l'Etat islamique. Pour obtenir sa tête, les Américains sont prêts à débourser là encore 25 millions de dollars.

Justine Chevalier