Catalogne: les indépendantistes les plus radicaux ulcérés par le discours de Puigdemont

Carles Puigdemont a affirmé, ce mardi devant le Parlement catalan, que "la Catalogne (serait) un Etat indépendant, sous la forme d'une république". Plus tard, il a signé avec les députés de sa majorité un texte de déclaration d'indépendance disant notamment:"Nous constituons la République catalane comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social". Mais sa volonté de suspendre cette déclaration formelle pour mieux discuter avec le gouvernement espagnol, qui y est fermé, et l'Europe, a exaspéré les plus chauds partisans de l'indépendance catalane, notamment à gauche.
Notre journaliste sur place Igor Sahiri note: "Pas d’applaudissement du côté des députés de la CUP qui sont les plus indépendantistes et radicaux, et permettent la majorité séparatiste, parce que ce n’est finalement pas une déclaration unilatérale d’indépendance."
La CUP excédée
Sur Twitter, cette CUP, formation de gauche radicale, a déclaré dans la foulée sur Twitter: "Nous, avec le peuple, sommes venus proclamer une République". Son porte-parole a déploré "une occasion perdue de déclarer l'indépendance". Arran, mouvement de jeunesse de cette famille politique, s'est montré plus amer encore sur le même réseau social, évoquant une "trahison inadmissible". "Aujourd'hui, Carles Puigdemont freine le mandat populaire clair du référendum", a ajouté Arran.
La déception de la rue
Igor Sahiri a observé que la déception était plus large encore: "Déception également des associations qui sont très influentes ici. Notamment à l’ANC et à Omnium. Toutes ces associations, comme la CUP, voulaient une déclaration unilatérale d’indépendance applicable dès ce soir." Et la fraîcheur de la réception du discours à l'extérieur du Parlement vaut bien la réserve des représentants de la CUP à l'intérieur.
"A l’extérieur, on me dit que personne n’a vraiment applaudi le discours et que c’était particulièrement mitigé", a expliqué Igor Sahiri.
L'écho de la rue était en effet plus que réservé, comme l'a constaté l'AFP. "Au fond, nous sommes contents, mais nous attendions plus", dit Pere Valldeneu, 66 ans, venu écouter le président catalan avec son épouse Antonia, 64 ans. "Il ne va rien se passer parce que Madrid ne le permettra pas", se lamente-t-il. Et Sheila Ulldemolins, 28 ans, résume le sentiment général de cette soirée. "Ca a été un discours très ambigu", dit-elle. Après à peine une heure de discours, Carles Puigdemont range ses feuilles au Parlement et la place de l'Arc de Triomphe commence à se vider.
"C'est le separatus interruptus"
Sur notre plateau, les observateurs ont décrypté cette désillusion. Sylvia Desazars de Montgailhard, politologue et historienne spécialiste de l'Espagne, a résumé la chose en une formule: "C’est le separatus interruptus. On y va et on n’y va pas."
Christophe Barret, lui aussi historien de l'Espagne, a développé: "C’est une déclaration sur l’indépendance, ce n’est pas une déclaration d’indépendance. C’est un geste tactique pour gagner du temps. Il compte sur des négociations qui sont déjà ouvertes, officielles, d’autres officieuses." Et la suite des opérations lui paraît des plus indécises: "Est-ce qu’il y aura une résistance civile comme le souhaite le gouvernement de Catalogne? Y aura-t-il une radicalisation comme le veut la gauche de la gauche?"