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La Russie et la "propagande homosexuelle", un malaise d'Etat

Manifestation contre l'interdiction de la gay pride de Moscou devant l'ambassade russe de Londres le 1 juin 2011.

Manifestation contre l'interdiction de la gay pride de Moscou devant l'ambassade russe de Londres le 1 juin 2011. - -

Alors que le parlement russe vient de voter une loi contre la "propagande homosexuelle" et qu'une députée veut "protéger les enfants" du mariage homo français, des associations lesbiennes, gays, bi, trans (LGBT) russes s'inquiètent de la liberté d'expression et de l'homophobie d'Etat.

Pas un n'a voté contre. Sur 437 députés russes, 436 ont voté pour la loi punissant la "propagande homosexuelle devant mineur", un s'est abstenu. La communauté LGBT dénonce de la "discrimination" envers les homosexuels. Après l'interdiction de la gay pride, le refus d'adoptions par des couples de même sexe français, l'état russe prend de nouveau ses distances avec les homosexuels. BFMTV.com fait le point.

La Douma a voté et interdit la "propagande homosexuelle devant mineurs", une loi qui va "servir de prétexte pour faire taire les militants", d'après Elena Gusya, militante LGBT. Des termes assez larges qui peuvent pourtant mener loin : de 100 euros d'amende pour un particulier russe à 23.500 euros pour une entité juridique. Un étranger, lui, risque jusqu'à 2.300 euros d'amende, 15 jours de détention et l'expulsion.

Les sanctions sont encore plus sévères si cette propagande est effectuée sur internet. La loi récemment votée prévoie la fermeture des entités jusqu'à 90 jours. "Si elle est appliquée avec sévérité et sans discernement, cela peut faire des victimes et aboutir à des tragédies humaines", a déclaré le délégué du Kremlin pour les droits de l'homme Vladimir Loukine.

"Relations sexuelles non-traditionnelles"

"Les relations sexuelles traditionnelles sont des relations entre un homme et une femme", avait déclaré en introduction des débats mardi Elena Mizoulina, députée du parti Russie Juste (centre-gauche) et coauteur du texte. L'ONG Human Rights Watch y voit elle "discrimination et violation des droits" des LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi et Trans). Et ce n'est pas une première.

Devant la Douma qui votait le texte de loi, des militants homosexuels ont organisé un "kiss-in" (ils se sont embrassés dans la rue). Conséquences: quolibets de 200 contre-manifestants, jets d'œufs pourris, chants religieux et slogans: "La Russie n'est pas Sodome". 20 manifestants homosexuels ont été interpelés.

Pas de gay pride, pas d'adoption pour les couples homos français

En mai dernier, les autorités russes interdisaient de nouveau la tenue d'une gay pride. "Nous devons œuvrer au respect de la moralité et enseigner le patriotisme à la jeune génération, et non pas des aspirations étranges", avait expliqué un responsable de la mairie de Moscou.

Le mariage et l'adoption par des couples homosexuels en France ont eu un fort écho au niveau international. "Il y aura une réaction, car nous devons être sûrs que nos enfants en seront préservés", avait déclaré Olga Golodets, vice-Premier ministre russe. Pour elle, ce "n'est "absolument pas dans les normes, dans les traditions du peuple russe", et cela contredit les "normes éthiques" de la Russie.

"L'homophobie tient sa source du machisme"

Le vote de cette loi s'inscrit dans le prolongement de la "chasse aux sorcières" des associations LGBT de Russie, selon le site yagg.fr. Alors qu'il est régulièrement fait état d'agressions homophobes, Vladimir Poutine a assuré qu'il n'existait aucune homophobie d'Etat: "Dans la Fédération de Russie - afin que ce soit clair pour tout le monde - il n'y aucune infraction aux droits des minorités sexuelles. Ces gens... profitent des mêmes droits et libertés que tout le monde." Pour autant, près de 72.000 personnes ont signé la pétition de All Out pour "arrêter la répression contre les personnes(LGBT) qui attisent les violences homophobes".

Pour Nikolaï Baev, militant pour les droits LGBT,"l’homophobie tient sa source du machisme. Les Russes conçoivent la société comme une pyramide. En haut, il y a les hommes, les "vrais" comme ils se définissent, puis les femmes. Viennent ensuite les lesbiennes et tout en bas de l’échelle, il y a les gays, considérés comme les êtres les plus misérables."

À LIRE AUSSI:

>> La Russie veut interdire l'adoption des enfants par des couples homosexuels

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EN CHIFFRE:

>> 1993: l'homosexualité n'est plus considérée comme un crime en Russie

>> 1999: l'homosexualité n'est plus une maladie mentale en Russie

>> 88% des Russes soutiennent l'interdiction de la propagande homosexuelle, 54% des Russes pensent qu'il faut punir l'homosexualité.

(sondage de l'institut russe Vtsiom)

Marc Pédeau