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Asie

L'Indonésie inflexible sur la peine de mort pour trafic de drogue

Le Français Serge Atlaoui, en mars 2015, dans la banlieue de Jakarta.

Le Français Serge Atlaoui, en mars 2015, dans la banlieue de Jakarta. - AFP

La Cour suprême d'Indonésie a ruiné les espoirs du Français Serge Atlaoui en rejetant son ultime recours pour échapper à la peine capitale. Pour des raisons de politique intérieure, l'appel à la clémence de Paris pour sauver ce ressortissant français a peu de chances d'être d'être entendu. Explications.

Il y a de quoi être pessimiste quant au sort de Serge Atlaoui, le Français de 51 ans dont la condamnation à mort vient d'être confirmée par la Cour suprême d'Indonésie. En effet, le président indonésien Joko Widodo est intransigeant sur l'exécution de condamnés à mort pour trafic de drogue, en particulier pour des raisons de politique intérieure, et l'appel à la clémence de la France pour sauver ce citoyen français a très peu de chances d'aboutir.

La Cour suprême d'Indonésie a douché mardi les derniers espoirs de Serge Atlaoui, ainsi que ceux d'un Ghanéen, Martin Anderson, lui aussi dans le couloir de la mort pour trafic de drogue.

Hollande lance "un appel" contre l'exécution

La France a rapidement réagi par la voix du ministre des Afffaires étrangères, Laurent Fabius, qui a réclamé dès mardi "un geste de clémence" de l'Indonésie. Ce mercredi, François Hollande en personne a lancé "un appel" contre "cette exécution", lors d'une conférence de presse à l'Elysée.

"Cette exécution serait dommageable pour l'Indonésie, dommageable pour les relations que nous voulons avoir avec elle", a ajouté le chef de l'Etat.

La société civile se mobilise également. A l’initiative de l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM), deux rassemblements sont organisés ce samedi 25 avril à Paris et à Metz. 

Le président indonésien intransigeant

Mais compte tenu de la fermeté affichée par Joko Widodo, surnommé Jokowi, ces appels ont très peu de chance d'être entendus: "Jokowi est profondément convaincu qu'une exécution est un must pour faire face au trafic de drogue", qui fait des centaines de morts chaque année dans l'archipel, a déclaré mercredi l'analyste politique Yohanes Sulaiman.

"Politiquement, il a compris que les Indonésiens voulaient un dirigeant ferme, et il veut montrer qu'il est un président ferme, comparé à son prédécesseur (Susilo Bambang Yudhoyono), réputé pour son indécision", explique-t-il encore.

Défenseurs des droits de l'homme déçus

Au cours de la campagne présidentielle au premier semestre 2014, Jokowi, ex-gouverneur de Jakarta alors très populaire et considéré comme un "homme du peuple", avait souvent été présenté comme un dirigeant qui ne saurait être aussi ferme que son ancien rival, l'ex-général Prabowo, insistant beaucoup sur cet aspect.

Après avoir remporté le scrutin et pris ses fonctions en octobre dernier, l'une des premières décisions du président Jokowi a été de rejeter toutes les demandes de grâce de condamnés à mort pour drogue.

Il a ainsi déçu tous les défenseurs des droits de l'homme qui avaient placé des espoirs dans cet homme issu d'un milieu modeste, devenu le premier président sans lien avec le régime du dictateur Suharto, au pouvoir pendant 32 ans (1967-1998) en Indonésie.

La peine de mort très populaire en Indonésie

Mais la peine de mort n'a pas été un thème débattu pendant la campagne, dans la mesure où elle bénéficie d'un très large soutien aussi bien parmi l'élite qu'au sein de la population indonésienne.

D'après un sondage réalisé par l'agence Indo Barometer auprès de 1.200 personnes, du 15 au 25 mars, 84,1% des personnes interrogées sont se déclarées pour l'application de la peine de mort aux condamnés pour trafic de drogue, 11,8% se prononçant contre.

Ce thème a sans aucun doute contribué à la popularité du président, qui s'est par ailleurs effritée pour d'autres raisons, avait relevé le directeur de l'agence, Muhammad Qodari.

L'Indonésie, première économie de l'Asie du Sud-Est

Comme la France, l'Australie, dont deux ressortissants doivent être exécutés très prochainement, a mis en garde contre des "conséquences" sur les relations bilatérales en cas d'exécution.

Mais aux de yeux Yohanes Sulaiman, l'impact sera peu significatif, et il est "très peu probable que l'Australie ou l'Union européenne imposent un boycott économique" à l'Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est. "Ils comprennent parfaitement que l'Indonésie est importante sur le plan géopolitique et pour sa position stratégique dans le commerce mondial", ajoute l'analyste.

Après les exécutions de janvier, le Brésil et les Pays-Bas avaient rappelé leur ambassadeur pour protester contre l'exécution d'un de leur ressortissants. Les diplomates étaient revenus en Indonésie au bout de quelques semaines.

C. P. avec AFP