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Japon

Des circuits touristiques créés à Fukushima

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Cinq ans après le tremblement de terre qui a frappé la province de Fukushima, entraînant un tsunami et l'explosion de la centrale nucléaire, un "tourisme noir" s'y développe, guidé par d'anciens habitants.

Le phénomène existait déjà à Tchernobyl ou Hiroshima, il apparaît aujourd'hui à Fukushima. Cinq ans après le tsunami qui a provoqué une explosion dans la centrale nucléaire de cette ville japonaise s'y développe un "tourisme noir". Près de 2.000 personnes se rendent ainsi chaque année sur place pour observer les vestiges de la province.

C'est le cas de Tom Bridges. Ce professeur américain, installé à Tokyo, a voulu voir de ses propres yeux les conséquences de la catastrophe. Il s'est rendu dans la ville de Namie, à 20 kilomètres au nord de la centrale nucléaire.

"Dans d'autres zones les gens ont pu reconstruire et recommencer une nouvelle vie, mais les gens d'ici n'ont pas eu cette chance, à cause des radiations et de la contamination, rappelle le visiteur. Ça me met vraiment en colère."

Des touristes devant une école primaire fermée à Namie, le 11 février 2016, cinq ans après le tremblement de terre ayant provoqué l'explosion de la centrale nucléaire.
Des touristes devant une école primaire fermée à Namie, le 11 février 2016, cinq ans après le tremblement de terre ayant provoqué l'explosion de la centrale nucléaire. © Toru Yamanaka - AFP

Pas de l'Histoire mais un désastre encore actuel

C'est justement parce qu'ils ne peuvent pas revenir chez eux qu'une dizaine d'anciens habitants de la région ont décidé d'organiser ces visites, bénévolement. Ils veulent éviter que ce qu'ils ont vécu ne devienne trop vite de l'Histoire.

"Il ne s'agit pas de monuments à la mémoire d'un passé, précise ainsi Schinichi Niitsuma, un de ces guides bénévoles. Ce sont des lieux et des objets qui incarnent notre désespoir actuel. Ce ne sont pas de simples vestiges, ce sont des marques vivantes de notre désespoir."

Sur place, les niveaux de radiation sont encore très élevés. Les guides sont munis de dosimètres afin d'éviter les zones les plus dangereuses.

Dans une école primaire que l'on peut visiter, les horloges se sont arrêtées à 3h38 de l'après-midi, au moment où le tsunami a frappé la ville, raconte Japan Today. Dans le gymnase, la banderole célébrant la remise de diplôme de 2011 est encore accrochée au mur.
Une touriste observe des vaches se nourrissant d'herbe contaminée par les radiations, le 11 février 2016, cinq ans après le tremblement de terre ayant provoqué l'explosion de la centrale nucléaire de Fukushima.
Une touriste observe des vaches se nourrissant d'herbe contaminée par les radiations, le 11 février 2016, cinq ans après le tremblement de terre ayant provoqué l'explosion de la centrale nucléaire de Fukushima. © Toru Yamanaka - AFP

Contester les informations officielles

Les survivants de la catastrophe tiennent à partager leur témoignage, en mémoire des victimes. Akiko Onuki est enseignante et également guide bénévole. Six de ses élèves, ainsi qu'un de ses collègues, sont morts dans la catastrophe.

"Je n'accepte pas du tout la façon dont les médias présentent Fukushima, comme une région complètement rétablie, parce que de nombreuses personnes sont oubliées dans l'histoire. On a beau dire, personne ne pourra jamais revenir dans ces villes."

C'est pour la même raison que Masami Yoshizawa, éleveur laitier, laisse ses 300 vaches sur place. Comme il le raconte à Japan Today, il a refusé l'ordre du gouvernement de faire abattre son troupeau, qui se nourrit aujourd'hui de l'herbe hautement contaminée de la région.

C'est donc une bataille de propagande qui se joue entre les anciens habitants de la région de Fukushima et les autorités japonaises. Ces dernières ont même annoncé que les équipes de football japonaises s'entraîneront dans la région pour les Jeux olympiques de 2020, alors que 100.000 personnes n'y ont toujours pas regagné leur domicile.

H. M. avec Caroline Boisson