Millions d'adeptes, empire financier... Qu'est-ce que la secte Moon, dont la cheffe a été arrêtée en Corée du Sud?

Des visiteurs admirant un musée de l'Église de l'Unification à Gapyeong en Corée du Sud, le 12 avril 2025. - JUNG YEON-JE / AFP
La cheffe de l'Église de l'Unification, encore appelée secte Moon, a été arrêtée ce mardi 23 septembre en vertu d'un mandat émis par le tribunal de Séoul en Corée du Sud. Han Hak-ja, 82 ans, est accusée de corruption, plus précisément d'avoir versé des pots-de-vin à l'ancienne Première dame Kim Keon Hee et à un influent député.
Han Hak-ja est à la tête de la controversée secte Moon depuis 2012, lorsque son mari, Moon Sun-myung, est mort. C'est lui qui a fondé L' Église de l'Unification, de son nom officiel, en 1954.
Né en Corée du Nord, cet homme originaire d'une famille rurale assure avoir eu à l'âge de 15 ans une vision de Jésus Christ lui demandant de poursuivre sa mission afin que l'humanité soit "pure" et "sans pêché". Se considérant comme un messie, il fonde près de vingt ans plus tard son propre mouvement religieux, dérivé du christiannisme, à Séoul.
Des millions d'adeptes
Aujourd'hui, cette Église - devenue célèbre dans les années 1970 et 1980 pour ses mariages de masse souvent organisés dans des stades - revendique dix millions d'adeptes dans le monde. Elle serait implantée dans plus de 200 pays, notamment au Japon qui lui sert de bastion financier.

Sa culture sectaire fait l'objet de controverses: elle est régulièrement accusée de soutirer de l’argent à ses adeptes. Des fidèles affirment avoir été obligés à renoncer à leurs biens en intégrant le mouvement ou encore à acheter des objets pour gagner leur salut, soulignent nos confrères de La Croix.
Pour tenter de faire oublier les critiques, l’Église de l’unification s'est renommée en 2015, la "Fédération des familles pour la paix et l’unité mondiales" (FFPUM).
Outre son influence religieuse, la secte Moon repose sur un empire économique, allant de médias à des hôtels en passant par la distribution alimentaire. Moon Sun-myung est devenu milliardaire.
Des liens politique, du Japon à la France
Adoptant une virulente ligne anticommuniste pendant la guerre froide, sa grande influence a aussi pénétré le monde politique. La secte Moon a été vue d'un bon œil par le régime militaire sud-coréen au pouvoir jusqu'en 1979. Elle s'est aussi attiré la sympathie du président des États-Unis, Richard Nixon, à la Maison Blanche de 1969 à 1974. Elle a également pénétré le champ politique français dans les années 80 par la porte du Front national, l'ex Rassemblement national.
Le représentant en France de l'Église de l'Unification, Pierre Ceyrac, a été élu député du Nord en 1986 sous la bannière FN. Selon Le Point, un pacte aurait été conclu entre Jean-Marie Le Pen et la secte Moon pour aider le patriarche à se faire une renommée à l'international et lui préparer le chemin vers l'Élysée.
"Nous savons que l’organisation a versé au FN entre 20 et 30 millions de francs (de 3,5 à 4,5 millions d’euros) jusqu’en 1986″, analysait en 2012 l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite, dans les colonnes des Inrocks.
Toutefois, cette idylle a été d'une courte durée. La secte Moon a été "effrayée" par les propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz qualifiées de "point de détail de la Seconde Guerre mondiale" lors d'une interview sur RTL en 1987, raconte Pierre Ceyrac au Point.
Toujours très présente au Japon
Au Japon, toutefois, les frontières entre la secte Moon et le monde politique sont toujours poreuses. Selon une enquête réalisée en 2022 par le quotidien Asahi et repérée par Le Monde, au Japon, 150 parlementaires, sept gouverneurs sur 47, et 290 élus des conseils généraux (plus de 10 % du total) ont admis des liens avec la secte. Quatre-vingts pour cent sont membres du Parti libéral-démocrate, au pouvoir presque sans discontinuité depuis sa création en 1955.
Les liens étroits entre le PLD et la secte Moon ont coûté la vie à l'ancien Premier ministre japonais, Shinzo Abe, assassiné le 8 juillet 2022. Son meurtrier présumé, Tetsuya Yamagami - actuellement en détention provisoire et qui pourrait être condamné à la peine de mort s'il est reconnu coupable - en voulait à la secte pour avoir ruiné sa mère.
À la suite d'une enquête sur l'assassinat de l'ex-chef de l'exécutif, un tribunal japonais a ordonné en mars dernier, la dissolution juridique de la branche de la secte dans l'archipel. L'organisation religieuse a fait appel de cette décision, qui la priverait de ses exemptions fiscales mais qui ne l'empêcherait pas de poursuivre ses activités.