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Chine

Des milliers d'internautes envoient des briques Lego à Ai Weiwei

Ai Weiwei à Londres en septembre 2015

Ai Weiwei à Londres en septembre 2015 - AFP PHOTO / LEON NEAL

L'artiste et dissident chinois Ai Weiwei s'est vu refuser une commande de Lego par l'entreprise danoise créatrice des petites briques en plastique. Invoquant des motivations "politiques", l'artiste a organisé une collecte et a rapidement récupéré suffisamment de Lego.

L'entreprise Lego "ne peut approuver l'utilisation de ses briques pour des œuvres politiques", a jugé Ai Weiwei, artiste et dissident chinois, après que la firme danoise lui a refusé une commande. Mais ce refus n'a pas arrêté Ai Weiwei dans l'idée de bâtir une oeuvre avec ces célèbres briques. Résultat, il a lancé une collecte sur internet. En quelques heures, il a reçu suffisamment de promesses de la part des internautes pour pouvoir réaliser son projet en Australie. 

Internet, "un peu comme une église moderne"

Depuis début août, l'artiste vit à Berlin. Selon l'agence DPA, Ai Weiwei a déclaré :"Internet est un peu comme une église moderne. Vous allez voir le prêtre, vous lui faites part de votre souffrance et tous les membres de la communauté peuvent participer et, peut-être, trouver une solution". 

La firme créatrice du jeu de construction pour enfants a été entraînée dans une polémique sur les réseaux sociaux après que Ai Weiwei a fait savoir que Lego a refusé de l'approvisionner directement. Certains internautes ont remis en cause la justification de la firme, qui assure qu'elle ne peut être impliquée dans des projets à "visée politique", comme l'a affirmé un porte-parole de Lego.

La suite d'une oeuvre exposée aux Etats-Unis

Artiste polyvalent, peintre, sculpteur et plasticien, Ai Weiwei est aussi connu pour ses critiques du gouvernement chinois. Il avait déjà utilisé des briques Lego l'an passé, afin de créer des portraits géants de dissidents politiques du monde entier, pour une exposition organisée dans l'ancienne prison américaine d'Alcatraz. Il comptait réaliser une oeuvre similaire cette année, en Australie. Une voiture rouge au toit ouvrant légèrement entrouvert, garée devant le studio pékinois de l'artiste, a été désignée "premier (point de collecte) de (briques) Lego", comme il l'a publié sur Instagram. "Voici les crottes de ce matin", commente l'artiste dans la photo suivante, montrant quelques dizaines de briques qui, introduites par le toit du véhicule, ont atterri sur le siège avant.

Plusieurs autres images montraient des Lego ironiquement mis en scène, notamment dans une cuvette de toilettes. Plus tôt, Ai Weiwei avait mis en avant le fait que la firme britannique Merlin Entertainments, exploitante des parcs d'attraction Legoland, a annoncé la semaine dernière un projet de construction d'un nouveau parc à Shanghai, lors de la visite du président chinois Xi Jinping au Royaume-Uni. "Ce principe n'est pas nouveau", estime Roar Rude Trangbaek, un porte-parole de Lego,dans un e-mail : 

"En tant qu'entreprise qui se consacre à fournir une expérience de jeu créative aux enfants, nous nous abstenons -au niveau mondial-, de nous impliquer ou d'avaliser l'utilisation de briques Lego dans des projets ou des actions ayant des visées politiques".

"Lego ne veut pas laisser la politique influencer ses affaires: (c'est) le bon choix", estime Hu Xingdou, professeur à l'Institut de technologie de Pékin, dans le quotidien Global Times, proche du pouvoir chinois.

Les pays occidentaux en train de lâcher l'artiste? 

Ai Weiwei avait été détenu en 2011 durant 81 jours. Mais le climat de confrontation avec le gouvernement chinois a semblé s'apaiser ces derniers temps. L'artiste a récupéré son passeport en juillet après une confiscation de quatre ans, puis a pu superviser en personne une rétrospective de son oeuvre présentée à Londres début septembre. "Ai Weiwei a été utilisé par de nombreux Occidentaux qui, dès lors qu'il n'a plus fustigé le gouvernement chinois comme ils le souhaitaient, ont été suffisamment déçus et indignés pour ne plus coopérer avec lui", a affirmé Li Yunlong, professeur à l'Ecole centrale du Parti communiste, cité par le Global Times. Selon le journal, le refus de Lego reflète "le divorce croissant entre Ai Weiwei et l'Occident".

M.L. avec AFP