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États-Unis

"Obama va devoir donner 'sens' à sa candidature"

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Après les républicains la semaine dernière, c'est au tour des démocrates de tenir leur convention. Quels en sont les enjeux ? Interview de l'historien François Durpaire, spécialiste des États-Unis.

Aujourd’hui s’ouvre à Charlotte la convention démocrate, une semaine après celle des républicains à Tampa. À quoi va-t-elle servir ?

Formellement, les conventions servent à investir un ticket, pas simplement un candidat, mais un candidat et son colistier, en l’occurrence Joe Biden. Le Ticket reste le même.

Réellement, les conventions ont une toute autre utilité. La semaine dernière, la convention républicaine servait à deux choses : réduire le déficit d’unité du parti et réduire le déficit de sympathie du candidat. La convention démocrate n’a pas le même sens. L’unité du parti est acquise, il n’y a pas de tensions fortes même si il y a "les plus à gauche" et "les plus centristes", et le déficit de sympathie du candidat est quasiment inexistant puisque Barack Obama est toujours populaire chez les Américains. Le président sortant n’a pas de problème de "likeability".

Barack Obama enregistre pourtant une baisse dans les sondages...

Il ne faut pas confondre la popularité d’un candidat et sa possibilité ou non d’être élu. La semaine dernière, Mitt Romney [le candidat républicain, NDLR] pâtissait d’un déficit de popularité alors qu’il se rapprochait en termes d’intentions de vote de Barack Obama. Cette semaine, la popularité de Barack Obama est intacte alors que les deux candidats sont au coude-à-coude des intentions de vote. Ce n’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on va forcément l’élire, ce n’est pas parce qu’on n’aime pas quelqu’un qu’on ne va pas voter pour lui.

Ce qui est important en temps de crise, c’est de voter pour quelqu’un dont on pense qu’il peut résoudre les problèmes du chômage, de croissance etc.

À Charlotte il n’y a pas de problème de popularité du candidat. En revanche, il y a un problème de "sens" de la campagne, et du "sens" de la candidature de Barack Obama président. Les Américains se disent "au fond on l’aime bien Obama, mais pourquoi on le réélirait ?" De leur côté, les républicains ont répondu à la question du "sens" : on n’aime pas forcément Mitt Romney, même au sein du parti républicain, en revanche, on sait ce qu’il veut faire et on sait ce que les républicains veulent faire. "We can do better" ("on peut mieux faire"), ont-ils dit.

Comment Obama peut-il se renouveler ? Quelle stratégie doit-il adopter ?

Obama ne peut pas refaire la campagne de 2008, c’est institutionnellement impossible. Il y a quatre ans, il était un outsider avec un McCain qui portait un héritage républicain, il faisait rêver avec "le changement". En 2012, "le changement", c’est son adversaire.

Tout au long de la convention, dès son ouverture, les démocrates vont d’abord devoir défendre un bilan. À souligner que Barack Obama est le seul président sortant de toutes les démocraties libérales qui ose défendre un bilan. Obama n’a pas la stratégie de dire qu’il fut tout au long de son mandat "victime de la crise", qu’il "n’a pas pu aller au bout" de ce qu’il souhaitait entreprendre, lui dit aux Américains : "nous sommes en train de sortir de la crise collectivement". Barack Obama défend la reprise économique, même si elle n’est pas suffisante.

Ensuite, Barack Obama devra s’adresser aux Américains, et tout particulièrement les plus fragiles, les chômeurs, ces minorités qui se sont fortement mobilisées pour lui en 2008, et il devra leur expliquer pourquoi, en dépit des désillusions, ils devront lui refaire confiance pour les quatre années à venir. Mais ce n’est pas du tout gagné.

Pourquoi ce choix de Charlotte pour organiser la convention ?

La Caroline du Nord est à la fois un Etat-clé et un État qui est aujourd’hui en balance entre les deux candidats. Là-bas en 2008, Obama l’avait emporté d’une courte tête. C’est aussi un symbole. Les démocrates tiennent à garder cet État. Mais attention, la convention dure trois jours, et si la Caroline du Nord est un État en balance, elle est moins un État-clé que l’Ohio où Barack Obama a dépensé encore plus d’argent et de temps [le président sortant y est d’ailleurs en déplacement ce mardi, NDLR], comme d’ailleurs Mitt Romney.

Propos recueillis par Tristan Berteloot