"Nous voilà 35 ans après à reparler d'eux": la dessinatrice aux procès des frères Menendez raconte ses souvenirs

Les frères Lyle et Erik Menendez derrière leur avocate Leslie Abramson dessinés lors de leur procès en 1995, et le 12 avril dernier. - Mona Shafer Edwards
Près de 35 ans après, l'artiste Mona Shafer Edwards reprend ses crayons pour se retrouver dans la même salle d'audience que les frères Menendez. À la fin des années 1990, cette dessinatrice judiciaire renommée avait couvert les deux procès d'Erik et Lyle Menendez, condamnés à la réclusion à perpétuité pour avoir abattu leurs riches parents en 1989.
Lors de leur procès en 1996, les deux frères avaient avoué avoir tué leurs parents José et Mary Louise Menendez. Ils avaient justifié leur geste en affirmant avoir été violés pendant des années par leur père. De leur côté, les procureurs les avaient accusés d'avoir assassiné leurs parents afin d'hériter de leur fortune de 14 millions de dollars.
La sortie sur Netflix de la série Monsters de Ryan Murphy, en septembre dernier, a ravivé l'intérêt du public pour cette affaire hyper-médiatique. Face à l'engouement du public, le nouveau procureur de Los Angeles a admis que la série avait poussé le parquet à reconsidérer cette affaire avec un œil neuf, dans un monde où le mouvement #MeToo a changé la perception des victimes d'agressions sexuelles: ainsi au terme de la nouvelle audience programmée ce mercredi 14 mai, les deux frères ont été jugés éligibles à une libération conditionnelle.
"Le monde est curieux de voir ce qu'ils sont devenus"
Trois décennies plus tard et avant ce nouveau chapitre judiciaire, Mona Shafer Edwards confiait à BFMTV.com être impatiente de pouvoir immortaliser ce nouveau chapitre de l'affaire. "Nous voilà 35 ans après à reparler d'eux. C'est très curieux de se dire qu'on va se retrouver avec les reporters qui avaient couvert l'événement à l'époque. Ce n'est pas commun."
"Ce qui va se passer à l'audience cette fois est un mystère, on verra mais ça va être très intéressant de voir à quoi Erik et Luke ressemblent aujourd'hui, alors qu'ils ont la cinquantaine. Je pense que le monde est curieux de voir ce qu'ils sont devenus."

La dessinatrice appelle à prendre du recul après l'emballement depuis la sortie de la série Netflix. Le hic, selon elle, réside dans le fait que ces séries "dramatisent mais romancent aussi les faits". "Des jeunes ont pu s'attacher à ces garçons car ça met en scène des caractères et leurs états d'âme, en prenant parfois des largesses avec la réalité", estime-t-elle.
Elle raconte par exemple que depuis la fin d'année 2024, les voisins de l'ancienne propriété de la famille Menendez à Berverly Hills "voient des voitures passer tous les jours pour voir la maison". "Alors que ça fait 35 ans, qu'il n'y a plus personne qui vit là."
Une dessinatrice de presse reconnue
Initialement illustratrice de mode, Mona Shafer Edwards a couvert de nombreux grands procès aux États-Unis, pour des médias comme NBC, ABC ou encore Reuters. Des affaires emblématiques telles que le procès civil d’O.J. Simpson ou encore les procès de Michael Jackson, Winona Ryder, Lindsay Lohan et Chris Brown. Ses marqueurs à la main, elle sait capter l’essentiel des audiences avec rapidité.
L'avantage de ce format, "c'est de pouvoir regarder mes dessins des années après et vous dire précisément ce qui se disait à ce moment-là, ou quelle était l'émotion qui traversait la salle". À l'inverse, "une photo, c'est quelque chose de très plat et assez froid, qui ne rend pas compte de tout ce qui se peut se passer".

Mona Shafer Edwards, elle, aime saisir "le langage corporel et les émotions: les gens qui pleurent, baissent la tête, les explosions de rage, quelqu'un qui tombe au sol... Tout ce qu'on appelle ça un moment 'haha', où on sait que ça va être le dessin du jour".
"Je regarde attentivement ce qui se passe, je prends une image mentale et je dessine directement, sans croquis préalable", explique l'artiste, qui réalise en général trois à quatre planches par journée d'audience.
Deux procès à la fin des années 90
L'Américaine se souvient très bien des deux procès Menendez qu'elle avait couvert en 1993 et 1996 à Hollywood, au cours desquels les dessinateurs n'étaient pas spécialement les bienvenus. "Notre tâche était difficile car nous n'étions pas très bien placés, on était à l'arrière car le juge était réticent à faire venir la presse", raconte l'illustratrice de presse.
Elle se rappelle également du contraste qui l'avait frappée entre l'image "bon chic bon genre" que Lyle et Erik essayaient de renvoyer et les détails sordides qu'elle a pu voir ou entendre à l'époque lors des auditions, qui l'ont bouleversés.
"Ce qui était étonnant, c'est que leur avocate Leslie Abramson les appelait toujours 'les garçons', bien qu'ils aient 19 et 21 ans", se remémore-t-elle. "Et ils venaient tous les jours à l'audience habillés de sweatshirts pastel, avec des petites chemises polo à la Ralph Lauren pour avoir l'air propre sur eux."
"Certains soirs, j'étais triste pour eux après tout ce que j'avais entendu, d'autres fois, les témoignages étaient accablants", témoigne la dessinatrice.
Elle précise que, même si ces affaires l'affectent, son rôle est toujours resté celui d'une observatrice. "J'ai vu toutes les photos de la scène de crime, entendu des détails horribles... Mais quand je dessine, je suis objective. Ce n'est pas moi ni mes émotions qui comptent."