Le contrôle des armes, nouvel enjeu pour la présidentielle américaine

Longtemps considérée comme taboue, la question du contrôle des armes individuelles occupe aujourd'hui un place prépondérante dans la course à la présidentielle américaine de 2016. (Photo d'illustration) - STR - AFP
Le thème a longtemps été tabou. Il est aujourd'hui susceptible de faire basculer tout un pan de l'électorat américain. La question brûlante des armes individuelles, aux Etats-Unis, s'impose maintenant dans la course à la présidentielle américaine, désormais bien engagée.
De nombreuses tueries
Dans sa campagne de 2008, puis dans celle pour sa réélection en 2012, Barack Obama s'était bien gardé d'aborder ce sujet explosif, redoutant un retour de bâton dans les urnes de la part de citoyens viscéralement attachés à cette liberté octroyée par le deuxième amendement de la Constitution américaine. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Du sang aussi, au fil de tueries d'innocents qui ont choqué l'opinion publique et exaspéré le président américain. Celui-ci appelle désormais ouvertement une société américaine en pleine mutation à changer son regard sur les armes.
Le premier débat de la primaire démocrate, organisé la semaine dernière à Las Vegas, a accordé une place inattendue à la question.
"J'ai été extrêmement satisfait de voir tous les candidats démocrates se prononcer sur la violence par armes en Amérique, car jusqu'à maintenant, c'était le sujet auquel personne ne voulait toucher", a confié à l'Agence France-Presse (AFP) Andy Parker, dont la fille de 24 ans, journaliste de télévision, a été tuée par balle fin août, lors d'un reportage en direct en Virginie.
Un "référendum sur les armes"?
"Le choix de la régulation des armes à feu va se poser en termes clairs à l'élection présidentielle. Cela va être un référendum sur les armes", a ajouté Andy Parker, qui est devenu en quelques semaines l'un des militants les plus en vue aux Etats-Unis sur la question des armes.
L'actualité récente a aussi poussé les candidats à se positionner: après un été meurtrier dans de nombreuses villes américaines, un campus universitaire dans l'Etat de l'Oregon (nord-ouest) a été le théâtre d'un nouveau massacre, le 1er octobre. De quoi mobiliser ceux qui exigent au plan national des contrôles d'antécédents judiciaires et psychiatriques avant toute vente d'arme. Hillary Clinton, candidate à l'investiture démocrate, en a fait la pierre angulaire de ses propositions.
"Il est temps que le pays entier tienne tête à la NRA", le principal lobby des armes, a-t-elle lancé aux 16 millions de téléspectateurs du débat de Las Vegas.
L'ambivalence de Bernie Sanders
Electoralement parlant, Hillay Clinton fait le pari de se poser comme la plus en pointe du combat contre les armes dans le camp démocrate, espérant accroître son avance sur son principal adversaire, Bernie Sanders. Ce dernier semble peu à l'aise sur le sujet, après avoir défendu dans le passé des positions pro-lobby des armes. Elu dans un Etat comptant de nombreux chasseurs -le Vermont-, Bernie Sanders a ces derniers jours tenté de ménager la chèvre et le chou sur la question des armes, pour finalement être critiqué côté démocrate comme républicain.
L'irruption du sujet des armes dans le débat politique des primaires est paradoxalement bien accueillie par une bonne partie des républicains, convaincus que leurs opposants vont s'y brûler les ailes. La toute-puissante et radicale NRA, qui a la réputation d'avoir dans sa poche de nombreux élus du Congrès, assimile toute proposition de régulation des armes à une attaque contre le sacro-saint deuxième amendement de la Constitution et donc à un "suicide électoral".
Donald Trump sort bien armé
C'est peu ou prou la position adoptée par Donald Trump, en tête des sondages de la primaire républicaine, qui a récemment confié se sentir "beaucoup mieux" quand il se promène armé.
Reprenant une vieille stratégie du lobby pro-armes qui a fait ses preuves, il a laissé entendre que l'administration Obama prévoyait de confisquer les armes personnelles dans les foyers américains, une hypothèse que n'a pourtant jamais avancée le président.
Des démocrates plus à l'aise
Reste que les experts s'accordent sur un déclin inéluctable de la base traditionnelle de soutien de la NRA: des Blancs plutôt âgés, plutôt ruraux et relativement peu éduqués. A l'opposé se développe toute une partie de la population issue de l'immigration - Asiatiques et surtout Hispaniques (17% actuellement) - majoritairement réticents à la détention d'armes individuelles.
"Dans un contexte d'une succession de terribles fusillades aux Etats-Unis -malgré la forte baisse de la criminalité ces deux dernières décennies - et avec la diversité croissante de l'électorat américain - davantage de migrants, davantage de minorités, moins de Blancs d'origine européenne - les candidats démocrates se sentent davantage en confiance", a résumé Gregg Carter, enseignant de l'université Bryant de Rhode Island.