Sifflets, applaudissements et drag-queens: l'arrivée chahutée de Donald Trump à une représentation des "Misérables"

Donald Trump s'est rendu ce mercredi à une représentation des "Misérables" au Kennedy Center de Washington. Prévue de longue date, la sortie a pris une tournure politique en pleines manifestations à Los Angeles, marquées par l'envoi de la police fédérale par le président américain.

Un président qui envoie l'armée face à des manifestants, devant un spectacle célébrant un soulèvement populaire contre un despote. Donald Trump a assisté ce mercredi 11 juin à une représentation de la comédie musicale Les Misérables, inspirée du roman de Victor Hugo.

Prévue de longue date, la sortie culturelle a pris un relief particulier au moment où la ville de Los Angeles est secouées par de grandes manifestations contre la politique migratoire du président américain.

Huées et applaudissements

Engagé dans un bras-de-fer à distance avec le gouverneur démocrate de Californie, Donald Trump a envoyé des troupes fédérales rétablir l'ordre... sans lui demander son avis.

"On va avoir un pays en sécurité, on ne va pas avoir ce qui se serait passé à Los Angeles... Si je n'avais pas été là (...) Los Angeles serait partie en fumée", a-t-il lancé à la presse avant le spectacle, bien que les autorités locales de Californie assurent que la situation était sous contrôle.

Le président américain est arrivé en smoking sur le tapis rouge du Kennedy Center, prestigieuse salle de spectacle de Washington, au côté de la Première dame Melania Trump, dont les apparitions publiques sont rares.

Arrivé dans sa loge, le couple présidentiel a été accueilli par un bruyant mélange d'applaudissements, de huées et de sifflets de la part du public déjà installé dans les fauteuils rouges.

Appel au soulèvement populaire

La comédie musicale des Misérables emmène les spectateurs sur les barricades à Paris pendant la courte insurrection de juin 1832 contre la monarchie, réprimée dans le sang par l'armée et la garde nationale.

La plus célèbre chanson de la comédie musicale, créée en France en 1980 puis devenue un phénomène mondial après son adaptation à Broadway, est un appel au soulèvement populaire, qui s'intitule en anglais Do you hear the people? (dans la version française, La volonté du peuple). Donald Trump l'avait fait jouer avant d'annoncer, le 15 novembre 2022, qu'il se présentait à nouveau à l'élection présidentielle.

Sur le tapis rouge, le président américain n'a pas su répondre à un journaliste qui lui demandait s'il préférait le personnage de Jean Valjean, bagnard condamné pour avoir volé une miche de pain pour nourrir sa famille, ou l'inspecteur Javert, qui le traque tout au long du récit.

"C'est une question difficile (...) Je ne sais pas. Tu ferais mieux d'y répondre", a-t-il répondu en se tournant faire sa femme Melania.

Drag queens

La soirée au Kennedy Center illustrait aussi la volonté du républicain d'affirmer son emprise sur le monde de la culture. Le président a pris récemment les rênes de cette salle de spectacle, où il a installé une direction faite de fidèles, chargée d'imprimer un tournant résolument antiprogressiste à la programmation. Son vice-président, J.D. Vance, avait d'ailleurs été hué pour cette raison au Kennedy Center alors qu'il venait assister à un concert de musique classique en mars dernier.

Interrogé par la presse sur le boycott d'une partie des comédiens en raison de sa présence, Donald Trump a répondu: "Je m'en fiche complètement. Franchement. Tout ce que je fais, c'est bien gérer le pays".

Engagé dans une croisade ultra conservatrice contre ce qu'il appelle la "propagande anti-américaine" dans l'art mais aussi dans la recherche et l'histoire, le président a avait tancé les "spectacles de drag queens ciblant spécifiquement notre jeunesse". "ÇA S'ARRÊTERA", avait-il promis.

Comme un pied-de-nez au milliardaire, quatre drag queens ont pris place mercredi soir dans la salle, sous les applaudissements d'une large partie du public.

Le spectacle de mercredi n'est pas une représentation ordinaire: la comédie musicale est donnée dans le cadre d'une soirée de levée de fonds, destinée à garnir les caisses de l'institution. Selon le Washington Post, il en coûte deux millions de dollars pour participer à une réception et prendre une photo avec Donald Trump, en plus d'assister au spectacle dans une loge.

François Blanchard