Disparition d'un journaliste à Istanbul: Trump réclame des explications à l'Arabie saoudite

Des manifestants demandent des explications sur la disparition de Jamal Khashoogi, le 8 octobre, devant l'ambassade d'Arabie saoudite à Washington. - Jim Watson - AFP
"Nous voulons savoir ce qu'il se passe". Donald Trump a réclamé mercredi des explications à l'Arabie saoudite sur le sort de Jamal Khashoggi, ce journaliste saoudien exilé aux Etats-Unis, et disparu depuis plus d'une semaine à Istanbul, après la révélation d'éléments accréditant la thèse de sa capture ou de son assassinat par des agents de son pays.
Washington demande de la "transparence" à Riyad
Le président des États-Unis a déclaré mercredi à la presse à Washington s'être entretenu "au plus haut niveau" avec les Saoudiens, et ce "plus d'une fois", au sujet de Jamal Khashoggi, qui n'a plus donné signe de vie depuis qu'il est entré dans le consulat saoudien d'Istanbul le 2 octobre.
"Nous sommes très déçus de voir ce qui se passe. Nous n'aimons pas ça" et "nous voulons savoir ce qu'il se passe là-bas", a-t-il assuré. "Ce ne serait pas une bonne chose du tout" si une implication des Saoudiens s'avérait, a-t-il dit tard dans la soirée à la chaîne Fox News.
La Maison Blanche a précisé que deux des plus proches conseillers du président, son gendre Jared Kushner et le responsable du conseil de Sécurité nationale John Bolton, avaient parlé mardi au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a tenu à "réitérer" les demandes de Washington: "des détails" sur la disparition et "la transparence du gouvernement saoudien concernant l'enquête".
Des communications interceptées
Donald Trump a également dit être en contact avec la fiancée turque du journaliste, Hatice Cengiz, qui avait demandé son aide et celle de son épouse Melania pour "faire la lumière" sur cette affaire. En parallèle, des sénateurs américains, républicains et démocrates, ont activé une loi qui oblige Donald Trump à rendre des conclusions sur ces faits au Congrès américain d'ici 120 jours.
S'il établit qu'un ressortissant étranger s'est rendu coupable d'une exécution sommaire, de torture ou d'autres atteintes aux droits de Jamal Khashoggi, alors Washington pourra imposer des sanctions contre cette ou ces personnes.
Selon le Washington Post, les services de renseignement américains avaient intercepté, avant sa disparition, des communications entre responsables saoudiens évoquant son enlèvement. "Les États-Unis n'avaient pas d'informations à l'avance sur la disparition de Jamal Khashoggi", ou d'éventuelles menaces, a répondu mercredi un porte-parole du département d'Etat américain, Robert Palladino.
Le Royaume-Uni n'est pas en reste car Jeremy Hunt, ministre des Affaires étrangères, a déclaré: "Si ces allégations sont vraies, il y aura de graves conséquences car notre amitié et nos partenariats sont fondés sur des valeurs communes".
Enlevé ou assassiné?
Selon la police turque, Jamal Khashoggi n'est jamais ressorti de la mission diplomatique, et des sources proches de l'enquête ont affirmé qu'il y avait été assassiné. Mais certains médias ont évoqué mardi la possibilité qu'il ait été enlevé et emmené en Arabie saoudite. Riyad a de son côté fermement démenti la thèse de l'assassinat, assurant que le journaliste avait bien quitté le consulat. dans des propos rapportés, tenus dans l'avion qui le ramenait de Hongrie en Turquie, le président turc Recep Tayyip Erdogan, a affiché son scepticisme: "Si un moustique sort (du consulat), leurs systèmes de caméras vont l'intercepter". "Cet incident s'est déroulé dans notre pays. Nous ne pouvons rester silencieux", a-t-il ajouté.
D'après des images de vidéosurveillance diffusées mercredi par des télévisions turques, ce critique du pouvoir de Riyad, qui écrit notamment pour le Washington Post, est entré le 2 octobre à 13h14 dans le consulat, où il avait rendez-vous pour des démarches administratives.
D'autres images montrent un van entrer dans le consulat puis en ressortir et se rendre à 15h08, selon la chaîne 24 TV, à la résidence du consul toute proche. La police turque avait révélé samedi qu'un groupe de 15 Saoudiens avait fait l'aller-retour à Istanbul et au consulat le jour de la disparition.
"Équipe d'assassinat"
Mercredi, le quotidien progouvernemental Sabah a publié le nom, l'âge et les photographies de quinze hommes présentés comme l'"équipe d'assassinat" dépêchée par Riyad. L'un d'eux, Salah Muhammed Al-Tubaigy, a la même identité qu'un lieutenant-colonel du département saoudien de médecine légale. De son côté, le New York Times, citant des sources officielles turques, écrit que Jamal Khashoggi aurait été tué au consulat dans les deux heures qui ont suivi son arrivée au consulat, où il avait rendez-vous, avant d'être démembré.
Les autorités turques ont obtenu mardi l'autorisation de fouiller le consulat saoudien, mais cette fouille n'a pas encore eu lieu.
Le journaliste saoudien s'était exilé en 2017 aux États-Unis, après être tombé en disgrâce à la cour du puissant Mohammed ben Salmane. Dans une interview réalisée par la BBC trois jours avant sa disparition, Jamal Khashoggi affirmait ne pas avoir l'intention de revenir dans son pays, de crainte d'y être arrêté.