Le sénateur de centre-droit Rodrigo Paz élu président de Bolivie après 20 ans de socialisme

Rodrigo Paz, candidat du parti Chrétien Démocrate prononce un discours le jour de sa victoire aux élections présidentielles en Bolivie le 19 octobre - LUCAS AGUAYO / AFP
Le sénateur de centre droit Rodrigo Paz, élu dimanche 20 octobre à la présidence de la Bolivie après 20 ans de gouvernements socialistes, hérite d'un pays en crise. Cet économiste de 58 ans va devoir affronter des défis majeurs dès sa prise de fonctions le 8 novembre.
Pendant sa campagne, il a prôné une forte réduction des dépenses publiques - notamment des subventions aux carburants - et une plus grande ouverture au secteur privé.
Défendant un "capitalisme pour tous" fondé sur la décentralisation et la rigueur budgétaire avant tout nouvel endettement, il a aussi dit sa volonté de "parvenir à un consensus".
Le défi économique
La Bolivie traverse sa plus grave crise économique depuis 40 ans, marquée par une inflation annuelle de plus de 23% et une pénurie chronique de carburants.
Le principal défi du président élu sera de surmonter la crise du carburant et le manque de dollars, conséquence des subventions massives et de la chute des exportations de gaz, tout en endiguant la flambée du coût de la vie.
"La stabilisation de l'économie exigera des mesures très fortes", estime auprès de l'AFP l'économiste Napoleon Pacheco, professeur à l'université Mayor de San Andrés de La Paz.
Selon Daniela Osorio, politologue au German Institute of Global and Area Studies (GIGA), ces mesures pourraient "provoquer une crise dans la rue".
Une population méfiante et des divisions
La sociologue Maria Teresa Zegada, de l'Universidad Mayor de San Simon de La Paz, relève la "désaffection croissante de la population envers la politique".
"J'aimerais que le nouveau gouvernement se retrousse les manches et travaille vraiment, pas comme les précédents (...) qui, en réalité, n'ont travaillé que pour leurs propres poches", a déclaré à l'AFP Maria Choquetapi, une femme aymara de la petite ville de Laja, à environ 30 km de La Paz.
Les résultats illustrent en outre la fracture traditionnelle du pays: l'Est, plus conservateur et prospère, a majoritairement voté pour son rival de droite Jorge Quiroga, tandis que l'Ouest, plus modeste et à forte population indigène, a soutenu Rodrigo Paz.
"Les clivages entre l'Est et l'Ouest, ainsi qu'entre les zones urbaines et rurales, se sont réactivés", note Daniela Osorio.
Un Parlement fragmenté
Rodrigo Paz, arrivé en tête du premier tour en août, disposera du groupe parlementaire le plus important, devant celui de Jorge Quiroga.
Aucun n'ayant de majorité, le président élu devra "chercher des accords", observe Maria Teresa Zegada.
Leurs partis concentreront la quasi-totalité du Parlement : les quatre formations de droite occuperont 119 des 130 sièges de députés et l'ensemble des 36 sièges du Sénat.
Le futur président devra donc composer avec ses rivaux, malgré "les blessures difficiles à guérir", laissées par la campagne du second tour, observe Daniela Osorio.
L'ombre d'Evo Morales
Inéligible, l'ancien président Evo Morales (2006-2019) n'a pas pu se présenter à la présidentielle. Mais il continue de peser sur la vie politique.
Premier chef d'État amérindien du pays, il a appelé au vote nul au premier tour: les bulletins invalides ont atteint 19,8% des voix, un record depuis 2002.
Mais son influence a décliné après la division du Mouvement vers le socialisme (MAS), miné par sa rivalité avec le président sortant Luis Arce et la candidature de son ancien protégé Andronico Rodriguez.
Fragilisé par un mandat d'arrêt pour traite de mineure, qu'il conteste, il vit retranché dans son fief du Chapare (centre).
"Même affaibli, Morales reste un facteur de déstabilisation", avertit Daniela Osorio. Ses partisans "ont déjà prévenu que si le prochain gouvernement ne tient pas ses promesses, ils se réorganiseront pour le renverser", ajoute Maria Teresa Zegada.