Argentine: le droit à l'IVG face à l'ultime épreuve du Sénat

Des manifestants pro-IVG, le 1er août, à Buenos Aires. - Eitan Abramovich - AFP
Après l'Irlande au mois de mai, un autre pays catholique et conservateur légalisera-t-il l'IVG cette année? Les sénateurs argentins doivent se prononcer ce mercredi sur l'épineuse question de la légalisation de l'avortement. Si le résultat sera connu dans la soirée, voire dans la nuit de mercredi à jeudi, la tendance semble plutôt au rejet de ce projet de loi, qui légalise l'IVG au cours des 14 premières semaines de grossesse, et qui avait été adopté in extremis par les députés, le 14 juin. Si les sénateurs suivent le chemin des députés, l'avortement deviendra légal et gratuit.
Vers un rejet du projet de loi?
A en croire les estimations de la presse argentine, la majorité des sénateurs semble en effet avoir décidé de s'opposer au texte, dans ce pays sous forte influence de l'Église, et dont l'actuel pape est originaire: 37 des 72 députés ont fait savoir qu'ils voteraient non, selon les médias locaux.
En Argentine, les sénateurs, qui sont trois dans chacune des 24 provinces, sont généralement plus conservateurs que les députés, car ils représentent des régions moins développées que la capitale et la province de Buenos Aires, où les 40% des 41 millions d'habitants sont majoritairement favorables à l'IVG.
Si le "non" l'emporte ce mercredi, il faudra probablement attendre 2020 avant que la question de l'avortement puisse de nouveau être examinée par le parlement argentin. La loi fixe un délai d'un an après un rejet, mais en août 2019, à deux mois de l'élection présidentielle, il est peu probable que les partis politiques souhaitent reprendre le débat en pleine campagne électorale.
"Le monde vous observe"
Les mouvements féministes argentins ont impulsé depuis deux ans un élan déterminant à la revendication du droit à l'avortement. A l'heure actuelle, seuls deux pays d'Amérique latine autorisent l'IVG: Cuba et l'Uruguay.
Amnesty International a publié mardi dans 134 pays son soutien au projet de loi. Sur un fond vert, couleur symbole de la mobilisation des Argentines, on peut lire "adios" au dessus d'un cintre blanc, un objet longtemps utilisé pour pratiquer des avortements clandestins.
"Les complications liés aux avortements clandestins sont la première cause de mort de mères en Argentine. Les sénateurs peuvent changer ça", dit le texte d'Amnesty, avant de dire à l'adresse des parlementaires: "Le monde vous observe".
Le pouvoir de l'Eglise
Depuis le Vatican, le pape François, Argentin, a donné le ton en exprimant à deux reprises le rejet de l'avortement.
"Les évêques ont joué un rôle-clé dans le travail de lobby sur les députés et les sénateurs en écrivant aux indécis, leur rendant visite dans leur bureau, et dans certains cas, en ayant des attitudes plus ou moins belligérantes avec les pro-IVG", estime la sociologue Sol Prieto, citée par l'AFP.
Dans les faits, certains sénateurs partisans du texte ont reçu des boîtes avec des figurines en forme de foetus à l'intérieur, ou des menaces d'excommunication.