Boko Haram: des barbares utiles?

Un Nigérian tient un flyer appelant à la libération des lycéennes enlevées, le 9 mai 2014, à Abuja. - -
L'enlèvement des 200 et quelques écolières de Chibok, il y a trois semaines, est certes un acte diabolique et gratuit. Les filles en question n'étaient la progéniture ni de policiers, ni de militaires, ni de chrétiens, ni d'animistes. Rien ne destinait ces filles à l'enlèvement: elles n'étaient pas des employés d'Areva, ou des humanitaires isolés. En somme, l'enlèvement est d'apparence irrationnelle.
Le chef de Boko Haram, un certain hystérique appelé Abubakar Shekau, a annoncé qu'il allait vendre les filles en esclavage ou les marier de force parce que Dieu le lui avait commandé. Sait-il de quoi il parle? Quel aspect du Coran cite-t-il? On ne sait pas encore. Il a parlé pendant 57 minutes, et tout semble avoir été hystérique. Cet homme est-il le grand chef opérationnel d'une entreprise sans finalité apparente? Il parvient apparemment à s'adjoindre des collaborateurs décidés, on peut lui accorder cela.
Une complicité avec le pouvoir?
Toute la démarche de Boko Haram, de son vrai nom le Groupe de la Loi pour la Prédication et le Jihad (ce qui ressemble au GSPC algérien, Groupe salafiste pour la prédication et le combat, qui devint AQMI), est si évidemment contraire à l'islam ordinaire, normal et raisonnable. Il faudrait peut-être imaginer une autre explication. Déjà certains ministres nigérians disent publiquement que les hauts gradés de Boko Haram, autres que Shekau, sont instruits, anglophones, et parfois diplômés de l'enseignement supérieur. Donc nous aurions affaire à une structure intérieure, et une structure extérieure.
Si l'on rajoute à cela le fait que la préparation du rapt des collégiennes avait été décelé par des observateurs, et relayé à la police; que seuls 17 policiers étaient en attente contre 200 Boko Haram, qu'ils tinrent quand même un moment puis se retirèrent sans sortir les filles; que les parents s'étaient rapprochés par la suite du lieu de détention, mais n'avaient eu aucun soutien de la police; bref, si je poursuis l'hypothèse, l'appareil de sécurité n'a pas voulu perturber le rapt.
Conclusion: l'appareil de sécurité et certains éléments du pouvoir sont complices. La vente des filles serait une manière de faire émerger des rançons, car, enfin, les filles ne seraient pas exécutées. Pour accomplir la partie émergée d'un plan aussi diabolique, Abubakar Shekau est l'homme de la situation: hystérique, exalté, désinhibé. Si les Occidentaux venaient aider les autorités nigérianes, qu'ils regardent bien où ils mettent les pieds et avec qui ils travaillent.