"Je ne voyais que l'argent": un des 14 jeunes accusés de proxénétisme sur mineures s'est dit "conscient que cela aurait pu être sa soeur"

Photo d'illustration. - -
Quatorze jeunes hommes sont entendus par le tribunal correctionnel de Toulouse pour participation à deux réseaux de prostitution de mineures. Ils comparaissent depuis ce lundi 6 octobre et jusqu'au vendredi 10 octobre, devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour proxénétisme aggravé.
L'un d'entre eux, entendu ce lundi, s'est dit "conscient que cela aurait pu être sa sœur". Mais au moment des faits, a-t-il ajouté, "je ne voyais que l'argent".
"Mon objectif, c'était de ramasser ce qu'il faut comme argent pour tenir le mois", a poursuivi ce prévenu de 23 ans, détenu pour une autre cause et qui, au moment où il a accepté de transporter de l'argent issu de la prostitution de plusieurs jeunes filles, sortait de prison.
Des attitudes différentes
"Je n'ai aucune fierté à être dans cet univers et à me retrouver devant vous", a-t-il ajouté, répondant le plus souvent avec franchise sur son implication personnelle, tout en refusant d'en dire plus sur d'autres acteurs du dossier.
Les autres prévenus appelés à la barre lundi 6 octobre varient dans leurs attitudes, certains avouent seulement des éléments, quelques-uns reviennent sur leurs déclarations aux enquêteurs tandis que d'autres reconnaissent leur participation.
L'un de ceux-ci, 20 ans aujourd'hui, admet avoir accompagné un ami pour s'occuper de la sécurité d'Anna (prénom modifié) une prostituée mineure, dans deux appartements loués à Genève. Il était alors lycéen et avait expliqué à ses parents qu'il partait entre copains pour le Nouvel An.
Une organisation "similaire" au trafic de stupéfiants
Face au tribunal, il dit avoir voulu partir quand il a pris conscience de la réalité de ce qu'il faisait mais être finalement resté, en raison de menaces.
Il admet cependant avoir touché 1.000 euros pour ce "travail". "Je ne me suis pas posé les bonnes questions", dit-il. Et quand la présidente l'interroge sur le sens de ces questions, il répond: "par exemple, est-ce que ce que je fais est bien ?"
En ouverture de ce procès qui doit durer jusqu'à vendredi, une gendarme de la section de recherches de Toulouse qui a conduit les investigations, est venue décrire un fonctionnement de ces réseaux correspondant à un "mode d'organisation très, très similaire à ceux du trafic de stupéfiants".
L'organisation compte des jeunes hommes chargés de la sécurité, qui escortent les filles et sécurisent les appartements ou chambres d'hôtel loués pour la prostitution, d'autres s'occupent de récolter les gains tandis qu'un troisième groupe s'occupe de la gestion et du transfert des sommes générées.
De fin octobre 2023 à début janvier 2024, "on a évalué les gains du réseau a minima à 220.000 euros", a rapporté l'adjudant-chef Nathalie Herail, ajoutant cependant qu'en évoquant ce chiffrage à Anna lors de sa garde à vue, celle-ci leur "avait ri au nez", les qualifiant de "très en deçà" de la réalité.
Des adolescentes en précarité "émotionnelle"
L'enquête de la gendarmerie, qui a dû intervenir rapidement pour protéger les mineures victimes, a permis d'établir que les jeunes filles se prostituaient en région toulousaine, mais aussi dans des appartements à Paris ou lors de voyages en Suisse et en Belgique.
"Ce sont des jeunes filles qui sont dans la précarité émotionnelle, sociale, psychologique", a expliqué l'enquêtrice pour décrire ces adolescentes, souvent placées en foyer ou faisant l'objet de mesures éducatives.
"Et le plus frappant c'est qu'elles ne se considèrent pas comme victimes, c'était assez fou pour nous", a souligné la gendarme, soulignant une attitude qui se retrouve, selon les associations spécialisées, dans la plupart des dossiers de ce type aboutissant de plus en plus devant les juridictions, à Toulouse, Marseille ou en région parisienne.
Pour les jeunes filles du dossier toulousain, souvent droguées au protoxyde d'azote, "la fin de la journée est conditionnée à un chiffre d'affaires de 1.200 euros par fille" dont 200 reviennent à celui qui les escorte, les 1.000 euros restants étant répartis 50/50 entre le proxénète et la jeune fille, a détaillé la gendarme.
Outre les quatorze jeunes adultes jugés en correctionnelle, huit jeunes, mineurs, doivent comparaître ultérieurement devant le tribunal pour enfants de Toulouse.