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Environnement

Les feux de cheminée polluent-ils vraiment?

Les foyers ouverts tels que celui-ci sont sous le feu des critiques.

Les foyers ouverts tels que celui-ci sont sous le feu des critiques. - BFMTV

Faut-il interdire les feux de cheminée en foyers ouverts en Ile-de-France pour lutter contre la pollution atmosphérique? La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a relancé le débat mardi, en exprimant sa volonté de revenir sur l'arrêté préfectoral d'interdiction.

Ségolène Royal a jugé "ridicule", sur France 2 mardi, l'interdiction des feux de cheminée en foyers ouverts prévue au 1er janvier 2015. La mesure concerne Paris et sa région. Or, la ministre de l'Ecologie a indiqué qu'elle allait "faire changer cette décision qui ne va pas dans le bon sens".

Prise dans le cadre d'un plan de protection de l'atmosphère (PPA), cette mesure avait suscité l'étonnement voire la colère de nombreux Franciliens, tout à coup contraints de s'équiper d'un insert ou d'un poêle à bois, sous peine de renoncer à faire des feux de cheminée.

Mais si cette interdiction générale pour Paris et plus de 400 communes de la région a quelque chose de radical, la question de la pollution aux particules fines engendrées par la combustion de bois, elle, est bien réelle.

"Eviter de rejeter des cochonneries dans l'atmosphère"

Deux arguments principaux sont avancés en faveur de l'interdiction des combustions en foyers ouverts, dont le principal est la pollution aux particules fines, mais aussi une piètre efficacité des cheminées ouvertes en termes d'efficacité de chauffage.

Pour Yves Contassot, conseiller EELV à la mairie de Paris, l'objectif est "d'éviter que des cochonneries, il n'y a pas d'autre terme, telles que des particules fines cancérigènes, de la dioxine, ne soient rejetées dans l'atmosphère". Une étude d'Airparif, une association chargée de mesurer la qualité de l'air dans la capitale, avait noté que si le "bois ne représente que 5% de la consommation énergétique en combustibles utilisés pour le chauffage résidentiel (…), il est responsable de 84% des émissions de particules fines du chauffage résidentiel".

Et il y a urgence, car selon une autre étude du CNRS du 24 novembre dernier, le pic de pollution enregistré le 13 décembre 2013 à Paris intramuros, équivalait à respirer dans une pièce de 20 m2 garnie de huit fumeurs.

Mais le bois n'est pas le seul responsable de cette pollution aux particules, comme le démontre une étude du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) citée par Le Monde. Les véhicules à moteur diesel, dont la mairie de Paris veut interdire la circulation à horizon 2020, sont responsables de cette pollution pour 15%, mais aussi l'industrie (31%) ou les engrais agricoles (20%). Le chauffage au bois figure en bonne place et serait responsable de 30% des émissions.

Un autre argument est de pointer la mauvaise efficacité énergétique des foyers ouverts. Selon l'arrêté préfectoral au cœur de la polémique actuelle, il faudrait favoriser les "poêles, appareils à convection, cuisinières, foyers fermés et inserts de cheminées intérieures d’un rendement thermique supérieur à 65%". A énergie produite égale, les installations à foyers ouverts émettent huit fois plus de particules que celles équipées d'un foyer fermé.

Le bois une ressource renouvelable 

Pour les professionnels de la filière bois que Ségolène Royal a affirmé vouloir défendre, l'appréciation est très différente. Selon eux, cette pollution représente seulement à peine 5% de la pollution aux particules fines. Yves Contassot pointe "une très mauvaise communication": "Il fallait expliquer aux gens qu'il devait passer de la cheminée à foyer ouvert à la cheminée à foyer fermé, qui a beaucoup d'intérêt à la fois sur le plan de pollution, sur l'efficacité en termes de chauffage et donc sur sur le plan économique. On dépense beaucoup moins d'argent puisque l'on consomme beaucoup moins de bois."

Benoît Hartmann, porte-parole de l'association France nature environnement qui a été notamment en pointe sur la question de pesticides, résume ainsi la situation: "On ne peut pas nier qu'il y a un problème avec les feux de cheminée, responsables de 50% des particules chimiques que l'on respire selon la saison. Mais peut-être l'interdiction est une mesure excessive." Il pointe le fait que l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a réalisé une "expérimentation dans la vallée de l'Arve en Isère où elle a prouvé qu'en donnant 1.000 euros aux foyers pour qu'ils s'équipent avec des inserts ou des dispositifs avec filtration, on obtient des changements drastiques".

Les acteurs de la filière bois font aussi valoir que la forêt bien exploitée est une ressource renouvelable et durable. Ainsi admet-on de manière conventionnelle que sa combustion libère dans l'atmosphère autant de CO2 que le bois en capture tout au long de sa croissance. Le bois-énergie se targue donc d'une neutralité écologique. En réalité, pour tendre vers ce bilan carbone équilibré et éviter les rejets nocifs, il faut que la combustion soit la plus complète possible. Les dispositifs à foyer fermés et particulièrement les poêles à granulés de bois s'en rapprochent, procurant au chauffage au bois tout son intérêt écologique. Mais comme le montre cet article publié par l'Appa (Association pour la prévention de la pollution atmosphérique) en 2012, cet objectif reste aussi un idéal théorique dépendant, entre autres, de la qualité du combustible, notamment de son séchage pour les bûches traditionnelles.

David Namias