Procès Péchier: une infirmière raconte comment elle a été "piégée"

L'anesthésiste Frédéric Péchier, le 8 mars 2023 au tribunal de Besançon. - ARNAUD FINISTRE © 2019 AFP
Sur les 30 empoisonnements de patients, dont 12 mortels, reprochés à Frédéric Péchier, l'ancien médecin de 53 ans, survenu dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2017, celui de Jean-Claude Gandon, en janvier 2017, est le dernier dans l'ordre chronologique. L'infirmière qui était présente avec l'ancien médecin lorsque ce patient avait été empoisonné en pleine opération, empoisonnement qui n'a pu être réalisé qu'au bloc
C'est aussi le premier et unique cas où l'arrêt cardiaque survient alors que c'est le docteur Péchier lui-même qui prend en charge l'anesthésie: pour l'accusé, c'est la preuve qu'il a été visé par un acte malveillant, mais les enquêteurs le soupçonnent au contraire d'avoir sciemment empoisonné son propre patient pour se forger un "alibi" alors qu'une enquête venait d'être ouverte sur un cas suspect antérieur.
Une injection d'antalgiques survenue "très tôt"
Ce mardi 16 septembre, la cour a disséqué l'enchaînement des événements survenus le 20 janvier 2017, lorsque Jean-Claude Gandon, alors âgé de 70 ans, est au bloc pour être opéré d'un cancer de la prostate, par un urologue.
À la barre, Ludivine Gladoux, alors élève infirmière anesthésiste, se souvient que le docteur Péchier lui demande ce jour-là d'administrer des antalgiques au patient. Elle en est étonnée, car "c'était très tôt dans l'intervention".
Elle se saisit d'une poche injectable de paracétamol, constate qu'elle est étrangement humide, "ce qui n'est pas habituel", et en installe donc une autre. Frédéric Péchier, à qui elle signale sa découverte, lui "propose de prendre une pause-café", ce qu'elle fait, durant une vingtaine de minutes, pendant que lui-même "reste au bloc".
Lorsqu'elle revient, le patient est en train de faire un arrêt cardiaque, se souvient la jeune femme. Pour le réanimer, le docteur Péchier lui prescrit des intralipides, antidote aux anesthésiques locaux. Le patient survit - il assiste aujourd'hui à l'audience.
"J'ai été piégée"
L'enquête révèlera que le septuagénaire a été empoisonné à la mépivacaïne, un anesthésique local, injecté dans la poche de paracétamol.
"Quelle a été votre réaction en apprenant que la poche que vous aviez passée avait été polluée?", demande à l'infirmière l'avocate générale Christine de Curraize. La jeune femme fond en larmes. "Je ne fais pas ce métier pour ça, j'étais étudiante. J'ai été piégée, j'ai cru que j'avais fait une connerie", balbutie-t-elle en sanglots, confiant que cette expérience la hantait encore.
"On sait maintenant que la poche a été polluée après que vous l'avez posée", la réconforte la magistrate.
Pour Stéphane Giuranna, avocat d'une partie de la famille du patient, "le cluedo est terminé". "Quand Frédéric Péchier voit que vous avez posé une poche qui n'est pas percée, il vous dit de sortir en pause. Et quand vous revenez..." l'arrêt cardiaque se produit, souligne le conseil, qui avance l'hypothèse que l'anesthésiste a ainsi eu le temps de polluer la poche de paracétamol.
Frédéric Péchier, qui clame son innocence et comparaît libre, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.