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"Bats-toi, tu as tes enfants, ton mari, ta famille": une victime présumée de Frédéric Péchier témoigne à la barre

L'anesthésiste Frédéric Péchier, le 8 mars 2023 au tribunal de Besançon.

L'anesthésiste Frédéric Péchier, le 8 mars 2023 au tribunal de Besançon. - ARNAUD FINISTRE © 2019 AFP

Une des 30 victimes d'empoisonnements présumés imputés à Frédéric Péchier a témoigné devant la cour d'assises du Doubs, ce vendredi 3 octobre.

"Je suis une rescapée de l'affaire Péchier", a affirmé Bénédicte Boussard, l'une des 30 victimes d'empoisonnements présumés, dont 12 mortels, imputés à Frédéric Péchier, ce vendredi 3 octobre, devant la cour d'assises du Doubs.

La femme, qui avait 41 ans lorsqu'elle a été victime d'un arrêt cardiaque médicalement inexpliqué en cours d'anesthésie, le 7 avril 2009 à la Polyclinique de Franche-Comté, a raconté à la cour ses séquelles, ses amnésies et son souhait de "connaître le coupable" et de "savoir la vérité".

Mais elle se fait peu d'illusions: Frédéric Péchier "n'avouera pas, je pense que c'est enfoui au plus profond de lui-même et que ça ne sortira jamais. Il est allé trop loin", confie cette femme de 57 ans, qui dit être ressortie "marquée physiquement et moralement" de cette épreuve subie il y a 16 ans.

Heureuse de faire "partie de ceux qui sont encore là"

Venue à la clinique se faire opérer de la vésicule biliaire, elle se réveille après un coma, "intubée, en soins intensifs, entourée de machines, attachée au lit". "Mon subconscient me disait: 'Bats-toi, tu as tes enfants, ton mari, ta famille'", se souvient la quinquagénaire.

Ce coma lui a "enlevé (ses) souvenirs", aussi bien de son enfance, de la naissance de ses enfants, que de son mariage, confie-t-elle en retenant ses larmes. "J'en ai seulement des flashes et des albums photos...", poursuit-elle.

Comme tous les patients figurant sur la liste des victimes présumées, elle s'estime cependant heureuse de "faire partie de ceux qui sont encore là". "Vous êtes une miraculée", lui glisse son avocat, Christophe Bernard.

"Je suis une rescapée de l'affaire Péchier", souligne désormais lors de ses rendez-vous médicaux, celle qui se dit convaincue que son arrêt cardiaque n'a pu être provoqué que par un empoisonnement.

Des doses anormales de potassium et d'adrénaline

Une autre patiente, Nicole Deblock, qui a fait un arrêt cardiaque quelques semaines après Bénédicte Boussard, dans les mêmes circonstances et la même clinique, a elle aussi été victime d'"un empoisonnement, c'est certain", affirme à la barre sa fille Mathilde, elle-même médecin cancérologue.

Pour Nicole Deblock - qui survivra à l'accident cardiaque, survenu à l'âge de 65 ans, mais décédera en 2015, d'une leucémie - il y a eu un avant et un après ce 22 juin 2009. Auparavant "forte et très dynamique", elle devient ensuite "plus éteinte, plus fragile", raconte sa fille.

Après l'accident cardiaque, des analyses permettront de découvrir des doses de potassium et d'adrénaline en quantités anormales dans une poche de perfusion utilisée pour son opération. "C'est effroyable, c'est machiavélique (...) quelqu'un nous l'a ravie", s'émeut la témoin.

"Quand on est anesthésiste (comme Frédéric Péchier), on ne peut pas ne pas reconnaitre que c'est un empoisonnement", assure la fille de la victime. Or, l'accusé n'a jamais reconnu ce point pendant l'enquête. "Est-ce que ce n'est pas en soi, un aveu de culpabilité?", interroge Mathilde Deblock.

Frédéric Péchier, 53 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité devant la cour d'assises du Doubs, où il est jugé depuis le 8 septembre pour 30 empoisonnements de patients âgés de quatre à 89 ans, entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon. L'ancien médecin anesthésiste-réanimateur, qui comparaît libre, a toujours clamé son innocence. Le verdict est attendu le 19 décembre.

S.M avec AFP