Le manga de la semaine: A nos amours de Jean-Paul Nishi

Détail de la couverture d'A nos amours - Kana
Marié à une Française, le mangaka Jean-Paul Nishi (de son vrai nom Taku Nishimura) a publié plusieurs livres sur la France. Dans À nous deux Paris! (2012), il livre ses impressions sur la capitale française. Dans A nos amours (Kana), sorti il y a quelques semaines, il décortique les différences culturelles entre la France et le Japon: la politique (impossible d’imaginer deux ministres en couple dans l’archipel), mais aussi le rapport au corps et notamment à la bise. Il relate également sa rencontre avec son épouse française et dépeint avec humour son quotidien et la naissance de son enfant. BFMTV.com a pu s’entretenir avec lui lors de son passage à Paris fin mars.

Être comme Robert de Niro
"J’aime beaucoup Le Parrain 2 et particulièrement cette scène, que je trouve très attendrissante. J’aime beaucoup cette image du père fort et tendre à la fois. Mon style graphique est assez simple, mais je devais retranscrire la beauté du film et du personnage joué par Robert de Niro. J’ai donc fait très attention à la manière dont les scènes étaient composées. L’une des beautés du film est que ce qui se trouve au premier plan est très net, tandis que l’arrière-plan est flou. Aujourd’hui, avec la TV haute définition, tout est très net et on ne sait même plus ce que l’on veut mettre en avant. J’ai voulu refléter ce contraste entre la netteté et le flou arrière en utilisant différents niveaux de gris et des effets de trame. Tout cela est ajouté à la fin à l’ordinateur, mais je tiens tout de même à placer les instructions à la main sur la planche. Lorsque je travaille, j’ai envie d’utiliser différents styles. En fonction du contenu de l’histoire, j’essaye de trouver à chaque case le style le plus adapté."

Prendre son temps pour chaque histoire
"Dans cette page, je n’ai fait que retranscrire la réalité: depuis des années, ma femme me dit à chaque repas 'à nos amours'. J’ai cru que c’était une pratique bien française. Quand j’ai demandé à des amis et qu’ils m’ont demandé ce que je racontais, j’ai vraiment eu un choc, que j’ai retranscrit tel que je l’ai vécu. J’ai retranscrit les dialogues tels qu’ils étaient dans la réalité. J’aimerais laisser passer un an entre l’événement et le moment où je le dessine, mais je suis toujours rattrapé par le temps et il m’arrive de dessiner ce qui vient de se produire. Je m’en souviens mieux mais d’un autre côté, j’ai moins de recul. Plus le temps passe, plus je peux enrichir mon histoire et trouver de nouvelles anecdotes autour d’un même thème et les rassembler sur une même page."

Deux histoires en une
"Ce livre réunit deux séries de mangas réalisées en parallèle pour deux magazines différents: A nos amours, dont huit à dix pages paraissent dans un mensuel, et une série de deux pages que je réalise pour un magazine consacré à la culture française. Je suis très content que les lecteurs français trouvent que ce regroupement un peu disparate ait un sens. Le public de ces deux histoires n’est pas le même. Les histoires de deux pages ne sont pas publiées dans une revue de mangas. Son lectorat est adulte et connaît le milieu politique français. Dans ces histoires de deux pages, je peux mettre davantage de choses en rapport avec la culture et la langue française. Si j’évoquais cela dans A nos amours, qui parle aussi de l’éducation d’un enfant, cela passerait assez mal. Même si les lectorats des deux histoires sont différents, mon objectif reste le même: divertir les lecteurs."

Le bébé
"Avec l’éditeur, on n’a jamais réussi à décider si l’histoire devait pencher du côté de la naissance et de l’éducation de l’enfant ou plutôt de la relation avec une française. Pour l’anecdote, quand le manga a été publié en feuilleton, il portait le nom de Mon Petit, et quand on a publié le premier tome, on a changé le titre en Ma Femme est française. J’ai l’intention de continuer à raconter cette histoire. Un troisième tome est en préparation au Japon. Les histoires de cette nature-là ont souvent tendance à s’arrêter lorsque l’enfant entre au collège. En se rapprochant de l’âge adulte, les anecdotes deviennent moins intéressantes. Mon fils sait que je dessine cette histoire. Il comprend que c’est lui ou quelqu’un qui lui ressemble beaucoup qui est mis en scène. Mais il ne s’imagine pas que cela est lu et acheté par des tas de gens en librairie. On lui dit que ce n’est pas lui, parce que certains événements sont exagérés. On ne veut pas qu'il s'y sente résumé, que mon regard sur lui soit simplement ce qu’il y a dans le livre. C’est beaucoup plus tendre que cela. Et le personnage ne porte pas son nom."
A nos amours, tome 1, Jean-Paul Nishi, Kana, 168 pages, 15 euros.