Albert Uderzo, dessinateur d'Astérix, est mort

Albert Uderzo en octobre 2015 - Bertrand Guay - AFP
Albert Uderzo, co-créateur d'Astérix, avec René Goscinny, vient de mourir à l'âge de 92 ans, a annoncé sa famille.
"Albert Uderzo est mort dans son sommeil à son domicile à Neuilly d'une crise cardiaque sans lien avec le coronavirus. Il était très fatigué depuis plusieurs semaines", a indiqué son gendre Bernard de Choisy à l'AFP.
"On ne me reconnaît pas dans la rue. Je pourrais passer derrière une affiche sans la décoller. Les personnages peuvent devenir des mythes mais pas nous, leurs pères", disait le co-inventeur du rival mondial de Tintin et de Mickey.
Portant le poids des ans avec prestance et un détachement amusé, Albert Uderzo sera finalement resté un homme peu connu, de caractère réservé et d'allure tranquille, préférant parler de son travail que de lui.
370 millions d'albums
Grand amateur de Ferrari (une vingtaine ont transité par son garage), ce fils d'un couple d'immigrés italiens résidait dans un hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine. Il était riche, grâce aux 370 millions d'albums vendus dans le monde (traduits en 111 langues ou dialectes), une quinzaine de films (animation et cinéma), un parc de loisirs, des produits dérivés par centaines.
Né dans la Marne en 1937 dans une famille d'immigrés italiens, Albert Uderzo avait découvert le bande dessinée en lisant Mickey Mouse dans Le Petit Parisien. Autodidacte et daltonien Uderzo développe très jeune une mémoire visuelle et une faculté d’observation exceptionnelles, et fait ses débuts comme dessinateur pendant la guerre auprès de la Société Parisienne d'Edition, qui publiait notamment Bibi Fricotin et Les Pieds nickelés.
C'est une période de vache enragée : "vivre de la BD était très dur à l'époque, disait-il, et j'ai dessiné une quantité astronomique de planches pour régler les fins de mois".
De Oumpah-Pah à Astérix
C'est en 1951 qu'il fait la rencontre la plus importante de sa vie professionnelle, celle de René Goscinny, passionné comme lui par Walt Disney, Laurel et Hardy et la bande dessinée. C'est un coup de foudre amical. "Ça a été une sorte de coup de foudre mutuel. On a parlé des heures. Nous avons décidé de travailler ensemble", expliquait-il au Monde en 2003.

Ensemble, ils donnent d'abord naissance aux Aventures d'Oumpah-Pah le Peau-Rouge, série déjà truffée d'anachronismes, et aux personnages de Jehan Pistolet, le corsaire, Luc Junior, reporter. Ils reprennent aussi ensemble la série de BD Benjamin et Benjamine, aventures trépidantes de deux enfants.
"On était cul et chemise"
En 1959, dans un HLM de Bobigny, où habite Uderzo, entre cigarettes et pastis, ils inventent un nouvel univers tout en "ix", avec une bande d'irréductibles Armoricains. L'idée proviendrait des séjours en Bretagne pendant la guerre du frère aîné d'Albert, Bruno, désireux d'échapper au STO (Service du travail obligatoire).
Anti-archétype du Gaulois viril, Astérix fait son apparition dans le premier numéro du magazine Pilote en octobre 1959, à la page 20. Le numéro s'arrache. Cette même année, Uderzo crée, avec le scénariste Jean-Michel Charlier, Les aventures de Tanguy et Laverdure, un succès (c'est le frère cadet d'Albert, Marcel, qui s'occupa en partie des couleurs).
Le succès est immédiat. En 1961 est publié Astérix le Gaulois, premier volet des aventures du petit Gaulois farouche au casque ailé. Suivront La Serpe d'or en 1961 et Astérix et les Goths, en 1963, puis Astérix Gladiateur en 1964... "On était comme cul et chemise, on ne pouvait pas se passer l'un de l'autre", confiait-il au Parisien en 2018, expliquant que le succès d'Astérix n'avait en rien altéré cette belle relation.
Uderzo et Goscinny signent ensemble 24 albums d'Astérix, jusqu'à la disparition soudaine de Goscinny en 1977. Albert Uderzo décide de continuer Astérix, seul. "J'avais peur de ne pas être à la hauteur. Mais quand je me suis mis au travail, j'ai oublié mon complexe. René m'a appris le métier. Il m'a donné de l'assurance", expliquait-il au Parisien.
Reste à savoir si les aventures d'Astérix, scénarisées et dessinées Par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad depuis 2013, mais supervisées par Uderzo, se poursuivront. "Je ne veux pas laisser Astérix entre d'autres mains après ma disparition", avait-il dit au Parisien.
"Des mains de charcutier"
Dessinateur aussi talentueux que modeste, Albert Uderzo était adulé par les auteurs de BD contemporains. "Ce mec est magique: il y a un mystère Uderzo", analysait ainsi pour BFMTV.com Jean-Marc Rochette, auteur du Transperceneige.
"Ma main n'était pas faite pour ce métier, racontait pourtant Uderzo, né avec 12 doigts - une anomalie corrigée par une opération. Regardez les 'patasses' que j'ai ! Ce sont des mains de charcutier, j'ai de gros os, comme mon père. J'ai encré tous mes dessins au pinceau, ce qui requiert beaucoup d'adresse. J'ai dû miner ma main en travaillant comme ça".