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Vers une levée de l'interdiction des soins funéraires pour les séropositifs au printemps 2017

L'interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives au VIH ou à une hépatite virale pourrait être levée au printemps 2017.

L'interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives au VIH ou à une hépatite virale pourrait être levée au printemps 2017. - TED ALJIBE / AFP

La levée de l'interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives, réclamée de longue date par les associations, aurait pu intervenir dès 2016, mais elle a été rejetée par un amendement au Parlement. Le ministère de la Santé planche sur un nouveau décret, qui devrait permettre de mettre fin à cette discrimination au printemps ou à l'automne 2017.

Depuis l'arrêté du 20 juin 1998, les soins funéraires favorisant la conservation du corps après la mort sont interdits aux personnes séropositives au VIH ou à une hépatite virale. Une discrimination jusque dans la mort que dénoncent depuis de nombreuses années les associations de lutte contre le sida. Une question dont se sont emparés les politiques, en particulier l'ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand, dès 2012, mais aussi l'actuelle ministre, Marisol Touraine.

En 2014, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'administration (Iga) avaient préconisé de mettre fin à cette interdiction. Marisol Touraine a voulu intégrer cette réforme au projet de loi Santé, et misait sur une levée effective au début de l'année 2016. Mais elle n'y est pas parvenue, car cette disposition a été rejetée par le Parlement.

"C'est très violent pour l'entourage"

Dans le détail, c'est un amendement à l'article 52 qui a conduit à cet échec. Cet article prévoyait de limiter la réalisation des soins funéraires par les thanatopracteurs dans des lieux adaptés, comme les chambres funéraires, afin d'assurer aux professionnels un minimum de risques sanitaires. Mais cela revenait à interdire de fait la pratique des soins funéraires au domicile des défunts. Une option choisie par une certaine partie de la population, parfois sur des critères religieux, puisque cela permet notamment de veiller la personne après sa mort. 

Mais après cet échec, le ministère de la Santé, en lien avec les associations, a cherché un autre moyen pour parvenir à lever cette interdiction, qui n'est pas législative mais réglementaire. Un angle d'attaque précis a été choisi: renforcer les conditions de sécurité dans lesquelles exercent les professionnels de la thanatopraxie, et notamment à domicile.

"On a travaillé sur la partie réglementaire de cette question, pour voir comment lever les restrictions. Cette interdiction des soins funéraires est très violente pour l'entourage des personnes défuntes", explique l'association Aides, contactée par BFMTV.com.

Aucun cas de transmission du VIH documenté

Aides est en première ligne de cette bataille, menée avec Act Up, Sidaction et SOS Hépatites. Pour l'association, la priorité est d'augmenter de manière générale la sécurité sanitaire autour de ces pratiques, qui consistent notamment à remplacer le sang par du formol afin de retarder le processus de décomposition.

"Aucun cas de transmission n'a jamais été documenté pour le VIH", dans le cadre des soins funéraires, précise-t-on aussi. Des cas de transmission d'une hépatite virale ont en revanche été répertoriés. 

Comme l'explique le cabinet de la ministre de la Santé, contacté par BFMTV.com, confirmant une information de LCI, deux nouvelles mesures pouvant aboutir à la levée de l'interdiction ont donc été décidées. Deux décrets, dont l'un a déjà été publié, tandis que l'autre est encore en cours de concertation. Le premier, publié le 18 décembre, oblige les thanatopracteurs en exercice ou en formation à être vaccinés contre l'hépatite B. Le second prévoit de mieux encadrer les conditions d'intervention des thanatopracteurs, notamment en fonction des lieux où ils pratiquent.

Obligation de vaccination contre l'hépatite B

Les thanatopracteurs, justement, s'inquiètent de cette réforme. "Nous comprenons leurs inquiétudes, il ne faut pas se leurrer sur les risques, mais il faut que les critères sanitaires augmentent de manière globale", souligne-t-on chez Aides, qui accueille ces deux décrets avec enthousiasme.

L'association mise sur une parution du second décret fin mars, début avril 2017, et sur une levée effective de l'interdiction à l'automne 2017, notamment parce que le vaccin contre l'hépatite B, désormais imposé aux professionnels, se fait en trois injections, donc nécessite un certain délai. Le ministère de la Santé, lui, s'est fixé pour objectif de mettre en place l'ensemble de la réforme en mars 2017.

"Les textes ont été présentés aux associations de défense des porteurs d’hépatites et du VIH, au Défenseur des Droits, ainsi qu’aux opérateurs du funéraire", précise le ministère.

"Le problème, ce sont les séropositifs qui s'ignorent"

Les différents acteurs doivent se retrouver courant janvier pour un point d'étape durant lequel les détails du décret seront présentés. Le Haut conseil de la Santé publique doit aussi se prononcer sur cette question. Il rendra un avis "d’ici la fin de l’année sur la gestion et la maîtrise des risques liés à la pratique à domicile, dont les recommandations seront reprises dans le décret sur les conditions d’intervention des thanatopracteurs", souligne encore le ministère.

"Concernant le VIH, autour de 70% des personnes sont non contaminantes", rappelle Aides, qui a axé sa dernière campagne sur ce point. "Le problème, ce sont les gens qui ne connaissent pas leur statut sérologique", conclut l'association.

Charlie Vandekerkhove