Une comédienne décrit des "dérives sexuelles" au Théâtre du Soleil il y a une quinzaine d'années

Le Théâtre du Soleil de la Cartoucherie, dans le bois de Vincennes, à Paris, le 15 avril 2014. - Bertrand GUAY / AFP
Une comédienne a décrit des "dérives sexuelles" il y a une quinzaine d'années au sein du Théâtre du Soleil, fondé par Ariane Mnouchkine, lundi 24 mars devant la Commission de l'Assemblée nationale sur les violences dans les secteurs artistiques.
Interrogée par l'AFP, Ariane Mnouchkine a déclaré qu'elle allait "réunir la troupe avant tout commentaire".
Lycéenne en "option théâtre" à Paris, Agathe Pujol a découvert la troupe en mars 2010. Peu après, sur les conseils d'un comédien, elle entre comme bénévole au service restauration, "à la plonge", y restant près de deux ans dans l'espoir de monter sur les planches.
"Cette première expérience en immersion totale dans le théâtre, pour moi, une jeune fille jamais sortie de chez elle, a transformé ma vie. Malheureusement, elle l'a transformée en film pornographique", a affirmé Agathe Pujol, devant la commission dont les conclusions doivent être rendues publiques le 9 avril.
"Il m'a dit de ne pas en parler"
La comédienne a décrit comment elle avait "appris les messes basses, les manipulations constantes, le masochisme (...) les addictions diverses, la sexualité imposée - à l'époque, je n'en avais pas conscience", a-t-elle ajouté.
Elle dit avoir été "victime (...) d'une tentative de viol d'un (...) comédien, dans la nuit du 31 décembre 2010, dont beaucoup furent témoins". Il lui a été reproché une "conduite à risque" car elle était ivre, a-t-elle précisé.
"J'en ai parlé (au comédien) Philippe Caubère, pilier du Soleil, il m'a dit de ne pas en parler, que cela n'était rien".
Selon elle, "les hommes qui travaillaient au Soleil (...) faisaient peser sur nous (elle et d'autres jeunes femmes bénévoles, ndlr) une pression sexuelle constante, que nous ne comprenions pas ou mal (...) comparant particulièrement nos poitrines".
Interrogée par la présidente de la commission, Sandrine Rousseau, sur l'existence éventuelle d'"un écosystème" favorisant ces violences, Agathe Pujol a répondu: "il y avait des dérives - à l'époque, on voyait pas ça comme des dérives sexuelles - puisque j'avais l'impression qu'on était là pour ça".
"Plusieurs fois", a-t-elle relaté, des jeunes femmes venues au théâtre, dans le Bois de Vincennes (est de Paris), en autostop "finissaient par se faire agresser".
"Il fallait toujours étouffer l'affaire"
"Quand elles arrivaient au théâtre en pleurs, Ariane Mnouchkine faisait des réunions pour demander aux acteurs de nous raccompagner après. Sauf que ces acteurs-là...", a-t-elle dit, avant de s'interrompre. "Étaient eux-mêmes" des agresseurs, a complété Sandrine Rousseau.
"Il fallait toujours étouffer l'affaire", a poursuivi Agathe Pujol. "C'était toujours une catastrophe quand il y avait ce genre de débordement".
La comédienne a par ailleurs porté plainte contre Philippe Caubère pour viol et agression sexuelle sur mineur en octobre 2023. Ce dernier est mis en examen, même si ses déclarations en garde à vue ont été annulées.