Un nouveau cas d'euthanasie présumée pourrait relancer le débat

BOREDEAUX/PARIS (Reuters) - Les probables poursuites judiciaires contre un médecin de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) accusé d'avoir aidé à mourir quatre patientes en fin de vie pourraient relancer en France le vieux débat sur l'euthanasie.
Le parquet devait annoncer en début d'après-midi les suites qu'il va donner à l'affaire déclenchée par une dénonciation de la direction du Centre hospitalier de la Côte basque, elle-même saisie par des personnels soignants.
En garde à vue depuis jeudi, il est soupçonné d'avoir provoqué la mort ces cinq derniers mois, par des moyens encore non précisés, de quatre personnes âgées entrées aux urgences et devant être accueillies dans un service de soins palliatifs. La dernière, une femme de 92 ans, est morte le 3 août.
La porte-parole du gouvernement Valérie Pécresse a souligné sur RMC qu'à ses yeux, le pays était confronté à une mauvaise application d'une loi de 2005 sur l'euthanasie dite "passive", qui permet dans certains cas l'arrêt des traitements et même l'administration de médicaments anti-douleur à des doses susceptibles d'être mortelles.
"La loi n'est pas toujours forcément bien appliquée à l'hôpital. Cette loi, elle permet de laisser mourir. Elle est appliquée, mais de manière diverse selon les hôpitaux, et parfois avec des difficultés ou des rigidités plus grandes dans certains établissements", a-t-elle déclaré.
"Il faut appliquer cette loi et développer les soins palliatifs", a-t-elle ajouté.
De nombreuses personnalités du monde médical soutiennent cependant que cette loi n'est pas suffisante car elle n'a pas couvert l'aide à mourir ou euthanasie "active", l'administration de substances destinées à provoquer directement la mort, dans le cas où l'arrêt des traitements n'interrompt pas l'agonie.
Lors du dernier procès aux assises de la Dordogne en 2007, Laurence Tramois, médecin reconnu coupable d'une telle action par injection de chlorure de potassium à une malade en phase terminale a été condamnée à un an de prison avec sursis, sans inscription au casier, la peine minimale qui permet de continuer d'exercer. Une infirmière avait été acquittée.
Lors de ce procès, de nombreux témoins du monde médical avaient déclaré que cette pratique était courante dans les hôpitaux, des recettes de "cocktails lytiques" de médicaments - des mélanges ayant pour effet de provoquer la mort - étant connues dans cet univers.
Ce procès avait été précédé par un appel public de 2.134 soignants demandant une réforme légalisant l'aide à mourir active. Ils soulignaient qu'en France, fait plutôt spécifique en Europe, 75% des décès survenaient à l'hôpital.
L'infirmière Chantal Chanel, acquittée au procès, expliquait alors à la cour d'assises : "on a beaucoup de personnes très âgées en fin de vie, des personnes démentes atteintes de polypathologies, des corps très dégradés. On vit des situations horribles, épouvantables, où les familles peuvent même plus entrer dans les chambres".
Deux pays européens, la Belgique et les Pays-Bas, ont légalisé l'euthanasie active, uniquement dans les cas extrêmes. En 2007, Ségolène Royal était pour une réforme, mais pas Nicolas Sarkozy, et le dossier n'a pas été rouvert.
Thierry Lévêque, Claude Canellas , édité par Patrick Vignal