Sur les autoroutes, les aires de services "à la papa" ont fait leur révolution

- - PHILIPPE DESMAZES / AFP
A une époque pas si lointaine, les pauses sur les aires d’autoroutes, c’était quoi? Un plein dans une station qui empestait l’essence, une pause pipi dans des toilettes à la saleté légendaire, et surtout un œuf dur dévoré dans le coffre de la voiture des parents. Certains ressentent une vraie nostalgie à l’évocation de ces arrêts. D’autres sont bien contents d’avoir enfin tourné la page. Car c’est un fait: les aires de services sur les autoroutes sur lesquelles vous vous arrêterez lors de votre départ en vacances ont fait leur révolution depuis quelques années. Toutes les sociétés d’autoroutes s’y sont mises, attirées par la perspective d’une diversification des revenus.
C’est quoi aujourd’hui une bonne aire d’autoroute?
"C’est un seul et même bâtiment qui regroupe la boutique, les activités de restauration et les pompes, parce que l’essence ça ne pue plus comme avant, décrit Nicolas Pénicaud, responsable du développement des aires d’autoroutes chez la Sanef (Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France). On essaie d’organiser une sorte de mall, voire un food court, avec différentes enseignes de restauration de centre-ville, comme McDo, Burger King, ou Starbuck. On essaie aussi d’avoir des enseignes comme Carrefour Express, Petit Casino, ou Daily Monop. Elles sont des référentiels pour nos clients, qui leur permettent de consommer en ayant à l’esprit qu’ils consomment la même chose qu’ailleurs".
Mais rénover le parc français ne s’est pas fait un claquement de doigts. Les grandes sociétés autoroutières (EPRR, Vinci, Sanef…), qui sont déjà concessionnaires de l’Etat, sous-traitent l’exploitation de ces aires d’autoroutes à des sous-concessionnaires sur la base de contrats n’excédant pas légalement 15 ans. C’est à la fin de ces contrats que des rénovations importantes peuvent être engagées. "L’avantage d’un renouvellement régulier c’est que ça permet d’être toujours à la mode sur les offres. En revanche, ça coûte très cher pour un pétrolier de s’installer. Parfois amortir ces aires sur 15 ans c’est même un peu juste. Donc on passe notre temps à calibrer la durée optimale par aire dès qu’on fait un renouvellement, pour avoir le meilleur mix de ces deux contraintes", reprend Nicolas Pénicaud.
"Aujourd’hui vous pouvez faire un Paris-Marseille sans faire le plein"
A la Sanef, le travail de rénovation est d’ailleurs toujours en cours pour que les 72 aires gérées par la société soient remises au goût du jour. "On en renouvelle cinq cette année, l’année prochaine 10, celle d’après 20, détaille Nicolas Pénicaud. Et on en a déjà fait pas mal. Donc je pense que d’ici cinq ou six ans on aurait fait presque 100% du renouvellement". Chez Vinci Autoroutes, un programme de modernisation portant sur 120 aires de service (sur les 187 du groupe) a été entamé depuis 2013 et doit s’achever cette année.
"Avant, on était obligé de s’arrêter à la pompe, explique-t-on chez Vinci Autoroutes. Aujourd’hui, vous pouvez faire un Paris-Marseille sans faire le plein. Dans le même temps, la sécurité routière recommande un arrêt toutes les deux heures. Mais pour que vous puissiez oublier la route, les bouchons ou les cris des enfants, pour vous détendre et mieux repartir, il faut que la pause soit la plus agréable possible".
Développement du wifi, animations diverses et variées, attractions pour les enfants… La liste des activités et services proposés le long de votre trajet est sans fin. Chez APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), certaines aires sont mêmes pourvues de salles de réunion. Aujourd’hui "les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont compris que les aires 'à la papa', il fallait dépasser ça, reprend Nicolas Pénicaud. Mais sur l’autoroute, il y a vous et moi qui partons en vacances, et aussi beaucoup de professionnels: des routiers, des commerciaux. C’est pour ça qu’on peut trouver des corners Darty ou La Grande Récré. Ce genre de prestations répond aussi à une attente spontanée, parce qu’on a oublié son chargeur à la maison ou qu’on veut faire un petit cadeau".
"Les clients veulent trouver des enseignes qu’ils trouvent dans les centres-villes"
Dans ce cadre, le secteur sur lequel les acteurs du secteur misent beaucoup, c’est évidemment la restauration. Cet été, les sociétés Areas, Autogrill, Sighor et SSP, spécialisées dans la restauration de voyage ont d’ailleurs lancé l’opération Culin’Aires, qui proposent dans 160 cafétérias d’aires d’autoroutes des recettes élaborées en partenariat avec le chef étoilé Marc Veyrat. L’idée? Que vous optiez pour un quinoa cuit dans un bouillon de légumes aux agrumes plutôt que pour votre jambon-beurre emballé dans de l’alu qui patiente depuis 400Km dans le coffre de votre voiture.
"Un automobiliste sur deux s’arrête sur une aire de services, pour une pause moyenne de 20 minutes, assure Didier Cazelles, directeur général marché autoroutes Europe du Nord chez Areas (groupe Elior). Et parmi ceux qui le font, il y a ceux qui ont la glacière pleine dans le coffre. Pour nous, c’est un potentiel de développement. Parce que dans un certain nombre de cas, l’image de la restauration sur autoroute est encore assez dégradée".
Pour tenter de changer cette image, il y a bien sûr les partenariats comme celui mené avec Marc Veyrat. Mais pas seulement. "Les clients veulent une diversité d’offres, et trouver des enseignes qu’ils trouvent dans les centres-villes, reprend Didier Cazelles. C’est une forme de réassurance sur des standards qu’on connaît bien. Donc c’est sûr que les burgers, avec McDonald’s et Burger King sont en plein développement. Et les coffee-shops également, avec Starbucks ou Columbus Café".