"Six fois plus d'appels" au 3919: le procès des viols de Mazan a eu un effet sur les signalements de soumission chimique

Une écoutante de la plateforme téléphonique du 3919, numéro d'appel unique destiné aux femmes victimes de violences conjugales, s'entretient avec une personne au téléphone, le 20 mai 2010 à Paris - JACQUES DEMARTHON / AFP
Six fois plus d'appels. L'Observatoire de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), qui produit chaque année un rapport sur les violences conjugales en France à partir des données du 3919, le numéro national de référence pour l'écoute et l'orientation des femmes victimes de violences, pointe l'influence du procès des viols de Mazan autour de la soumission chimique dans son rapport pour l'année 2024 diffusé ce mardi.
Pour rappel, Dominique Pelicot a été condamné en décembre 2024 à vingt ans de réclusion criminelle pour avoir drogué et livré son épouse dans leur maison de Mazan (Vaucluse) à des hommes recrutés sur internet pour la violer dans son sommeil. Ses 50 co-accusés ont également été condamnés à des peines allant de trois à quinze années de prison.
Sur la période de septembre (le procès a débuté le 2 septembre) à décembre dernier, le 3919 a ainsi reçu six fois plus d'appels concernant la soumission chimique par rapport à la période de janvier à avril 2024. Pour la FNSF, ce procès a de toute évidence permis "un mouvement de libération de la parole".
Une femme sur dix victime d'une tentative d'étouffement
Plus globalement, la FNSF enregistre une "année record" avec "plus de 100.000 appels" pris en charge. Une barre symbolique franchie pour la première fois depuis la création du 3919. L'Observatoire pointe également deux autres phénomènes en augmentation: une stratégie des contre-plaintes de la part des auteurs de violences et l'intensification des violences.
En clair, de plus en plus de femmes victimes de violences se voient condamnées; leur agresseur ayant utilisé l'argument de violences réciproques. Et les écoutantes du 3919 témoignent de l'évolution des appels avec des récits qui font état de violences extrêmes (torture, acte de barbarie, strangulation) et une augmentation significative de femmes dans des situations à fort risque de féminicide.
C'est d'ailleurs une donnée inquiétante du rapport: une femme sur dix qui appelle le 3919 a été victime d'une tentative d'étouffement ou de strangulation. Et 14% des appelantes ont été menacées de mort au moment des faits.
Sur le profil des personnes qui appellent le 3919, quelque 98% des auteurs de violences sont des hommes, quand 99% des victimes sont des femmes. Parmi elle, près de sept sur dix appellent à l'aide pour la première fois. Dans la moitié des cas, elles ont entre 30 et 50 ans et 15% d'entre elles révèlent avoir subi des violences parentales dans leur enfance.
Les enfants, témoins et co-victimes des violences
En ce qui concerne les auteurs, ils sont dans sept cas sur dix le partenaire régulier de la victime. Ils sont tout autant à être connus pour des faits de violences conjugales dans une précédente relation.
Des violences plurielles, pointe la FNSF. En moyenne, les femmes victimes de violences conjugales déclarent subir trois formes de violences, qu'elles soient psychologiques, verbales, physiques, économiques, sexuelles, administratives ou qu'il s'agisse de cyberviolences.
Et des violences qui ont des répercussions sur toutes les sphères de la vie des femmes. "Les violences conjugales laissent des traces profondes et durables dans la vie des femmes qui en sont victimes", rappelle la Fédération. Quelque 82% des appelantes ont ainsi évoqué des répercussions sur leur santé. Et sept femmes sur dix ont mentionné des conséquences sociales, économiques et administratives.
Sans compter les répercussions sur les enfants, témoins et co-victimes des violences conjugales. Car 75% des appelantes ont au moins un enfant, ce qui représente 21.880 enfants. D'après les données de la Fédération, en plus d'être témoins pour quasiment l'ensemble d'entre eux, près de la moitié de ces enfants subissent également des maltraitances directes.
La séparation ne met pas fin aux violences
Autre difficulté mise en lumière par le rapport: l'hébergement et le relogement qui restent des problèmes cruciaux quand les femmes victimes de violences conjugales souhaitent partir. Selon l'Observatoire, quelque 38% des appelantes qui ont déclaré être à la rue ont été "mises à la porte" par leur conjoint. Et lorsque les appelantes ne résident plus avec l'auteur des violences, dans plus de la moitié des cas, les violences font suite à leur départ du domicile.
Une séparation qui ne met pas fin aux violences. Selon le 3919, dans 30% des appels, l'auteur est l'ex-conjoint. Et pour plus de quatre appels sur dix, la rupture a eu lieu il y a plus d'un an.
"Il est donc impératif de financer des dispositifs d'accompagnement adaptés à toutes les formes de violences, dans la durée, pour garantir une véritable reconstruction", exhorte la FNSF.
"Cela implique aussi de reconnaître le continuum des violences faites aux femmes, des inégalités de genre jusqu'aux féminicides, et d'y répondre par des politiques publiques ambitieuses, coordonnées et structurantes, à la hauteur des enjeux."
3919: le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violence
Le "3919", "Violence Femmes Info", est le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, mariages forcés, mutilations sexuelles, harcèlement...). Il est gratuit et anonyme. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. Ce numéro est géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).