Seine-et-Marne : un forage relance le débat sur l’exploration des pétroles de schiste

La technique de la fracturation hydraulique, utilisée pour la prospection du gaz de schiste, serait dangereuse pour l'environnement. - -
Mais que cache Hess Oil derrière ses derricks ? L’entreprise américaine a commencé mardi un forage à Jouarre, en Seine-et-Marne. Le but, selon elle, est de cartographier le sous-sol du bassin parisien pour trouver du pétrole, mais les riverains craignent un préalable à l'exploitation de gaz de schiste. Plusieurs centaines de militants et riverains ont donc manifesté samedi à Jouarre : ils jugent que les réserves de pétrole sont connues, après 50 ans d'exploitation pétrolière en région parisienne, qui abrite de nombreux puits de petite envergure. Ils accusent donc Hess Oil de vouloir explorer la roche mère qui renferme le pétrole ou gaz de schiste, une roche située bien plus bas que là où se forment les réserves de pétrole traditionnel.
Une loi qui pourrait être censurée
Lors de l'entretien télévisé du 14 juillet, François Hollande avait bien dit exclure pendant sa présidence toute exploration du gaz de schiste, mais la loi Jacob de 2011 interdisant l'exploitation du gaz de schiste pourrait être abrogée d'ici mi-octobre si elle est censurée par le Conseil constitutionnel. Pour les riverains, Hess Oil, qui exploite beaucoup de forages de gaz de schiste aux Etats-Unis, est donc simplement en train de prendre les devants pour être opérationnelle au bon moment.
«Si la loi change, ils seront prêts »
Denis Clopier, un agriculteur, habite à quelques centaines de mètres de la foreuse de 26 mètres installée en plein milieu des champs. « On la voit de la fenêtre de la chambre. Il y a de quoi être très inquiet. Je n’ai pas envie d’ouvrir le robinet et risquer l’explosion dans la cuisine. Moi, je bois de l’eau du robinet ! », témoigne-t-il.
Jean-Yves Potiron, membre du Collectif fertois opposé au forage, ne croit pas aux arguments de la compagnie qui affirme rechercher du pétrole traditionnel. « L’intention première est bien d’explorer et d’exploiter par la suite le pétrole de schiste », assure-t-il. « Le forage se fait, ils descendent à 3000 mètres et si la loi change, ils seront prêts pour explorer dans un premier temps et exploiter ». Le forage devrait durer trois mois. D’ici là, la loi qui interdit l'exploitation des gaz et pétrole de schiste aura peut-être été abrogée.
« Les dangers sont les mêmes »
Pour Isabelle Lévy, elle aussi membre du Collectif fertois opposé au forage de Jouarre, cette exploration représente les mêmes risques qu’une exploitation, et le forage ne devrait pas avoir lieu. « Sur les forages de gaz et de pétrole de schiste, bien sûr ils devraient tous être interdits. On nous dit "il faut explorer pour savoir", mais l’exploration, c’est rigoureusement la même chose que l’exploitation, le même procédé. Les dangers environnementaux sont les mêmes, fracturation hydraulique pour l’exploration et pour l’exploitation, c’est le même danger. Donc il faut tout interdire ».
« Economiquement, ça pourrait être intéressant »
Pourtant, pour le professeur Jean-Marie Chevalier, qui dirige le Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières à l'université Paris Dauphine, l’exploration est nécessaire. « Il faut savoir si on a du gaz et du pétrole, sa qualité et en quelle quantité. Economiquement, ça pourrait être intéressant. Si on pousse à fond le principe de précaution, on ne saura rien. Supposons que l’on trouve du gaz de schiste bon marché en France : ça pourra remplacer le gaz importé et ça aura un effet de baisse globale du prix dont profitera le consommateur ».