"Un moment inoubliable et majeur": la ferveur des jeunes catholiques pour la canonisation de Carlo Acutis
C'est le premier saint du XXIe siècle. Carlo Acutis, le "geek de Dieu", est canonisé ce dimanche 7 septembre. Une canonisation double: Pier Giorgio Frassati, un jeune Italien mort à 24 ans dans l'entre-deux-guerres, va également devenir saint. L'événement était initialement prévu en avril dernier mais la mort du pape François a bouleversé l'agenda du Vatican.
C'est surtout le personnage de Carlo Acutis et sa canonisation qui émeuvent la communauté chrétienne. "Ce sera un moment inoubliable et majeur dans ma vie de chrétien", s'enthousiasme pour BFMTV Charles, 17 ans. Il sera donc à Rome ce dimanche pour assister aux célébrations.
"Je pense que je m'en souviendrai toute ma vie. Parce que voir un garçon de mon âge devenir saint simplement grâce à son humilité, sa gentillesse, sa bienveillance et sa foi, c'est bouleversant."
Le lycéen, "dernier d'une famille de six enfants", précise-t-il, explique avoir beaucoup entendu parler du jeune saint. "Que ce soit avec la paroisse, l'école... Et forcément, je me suis attaché à cette figure. C'est un exemple pour de nombreux jeunes."
Le "saint patron du web"
Carlo Acutis est mort en 2006 d'une leucémie foudroyante. Proclamé "serviteur de Dieu" quelques années après sa mort, il devient en 2018 "vénérable" - titre de reconnaissance et étape pour devenir saint. L'année suivante, le pape François lui rend hommage dans une lettre adressée aux fidèles.
L'adolescent est béatifié en 2020 et deux miracles lui sont reconnus par l'Église - miracles nécessaires pour prétendre à la canonisation. En l'occurrence: un enfant et une jeune femme guéris (en 2013 pour le premier, 2022 pour la seconde) après que leurs familles ont prié pour l'intercession de Carlo Acutis.
Le jeune saint fait l'objet d'un véritable culte. Des reliques ont été exposées dans différents pays et villes, comme à Lisieux (Calvados) ou Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Une relique de son cœur a également cheminé dans toute l'Europe jusqu'à la Corée du Sud, pays qui a reçu 16 cheveux dans la perspective des Journées mondiales de la Jeunesse prévues à Séoul en 2027.
"La canonisation de Carlo représente un idéal de vie sans être vraiment un idéal", confie à BFMTV Baudouin, 18 ans, en prépa ingénieur. "Carlo a eu une vie très commune finalement, mais une vie qui par des petits actes chaque jour se transforme en une vie extraordinaire. Sa vie me donne de l'espoir pour mon avenir."
"Carlo, c'est un gars qui nous ressemble"
"Carlo Acutis a dépoussiéré la sainteté", admire Jean-Baptiste Maillard, co-auteur de la biographie Carlo Acutis, une âme de feu. Carlo Acutis, le premier saint du XXIe siècle à l'ère des nouvelles technologies qui, pour la première fois, a œuvré sur les réseaux sociaux. Et, qui d'une certaine manière, est devenu le premier saint médiatique.
"C'est assez nouveau dans l'Église qu'on ait autant de documents, de photos et de vidéos sur un saint."
Surnommé "l'influenceur de Dieu" ou le "cyber-apôtre", Carlo Acutis renvoie l'image d'un jeune homme "de son temps, bien dans ses baskets, jouant au football et aux jeux vidéos", pointe Jean-Baptiste Maillard, qui anime également une plateforme consacrée aux miracles de Carlo Acutis. Mais aussi l'image d'un fervent catholique pratiquant.
De son vivant, Carlo Acutis allait tous les jours à la messe et récitait quotidiennement le rosaire - des prières récitées avec un chapelet. Il est particulièrement connu pour avoir conçu en ligne une exposition en libre accès recensant les miracles eucharistiques, les phénomènes paranormaux liés aux hosties. "Son exposition a fait le tour du monde", salue Jean-Baptiste Maillard.
"Carlo, c'est un gars qui nous ressemble, on peut vraiment s'identifier à lui", ajoute Charles, interrogé plus haut. "Et savoir que malgré sa simplicité, il devient saint, ça montre que la sainteté est accessible. On ne peut voir en lui qu'un modèle de foi, de spiritualité et de vie chrétienne authentique."
En polo, jean et baskets
Pour Charles, se rendre à Rome représente ainsi un moment important dans sa foi et "une occasion de me rapprocher de Jésus par l'intermédiaire de Carlo". Baudouin, qui partage la même allégresse, sera lui aussi du voyage. "Vivre ce moment fort à Rome, c'est avoir cette marque de Carlo Acutis en nous."
"C'est un moyen de garder Carlo Acutis toujours présent dans ma vie et pour longtemps."
Une ferveur qui ne se limite pas qu'aux jeunes. Des statues de Carlo Acutis commencent ainsi à fleurir dans les églises, comme à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement, dans le 3e arrondissement de Paris. En plus d'une peinture d'Eugène Delacroix, cette église compte depuis quelques mois une statue en bois peint de Carlo Acutis. Il est représenté en polo, jean et baskets, ballon de foot au pied.
"C'est très fort, cela veut bien dire quelque chose et en particulier que ce n'est pas qu'une mode passagère", poursuit Jean-Baptiste Maillard. Lui-même sera à Rome pour la canonisation de Carlo Acutis en compagnie d'un groupe de Français pour lesquels il a préparé une veillée de prière et de témoignages dans une église de la capitale italienne.
"Une figure très populaire chez les conservateurs"
Pourtant, certains catholiques se montrent plus mesurés quant à la figure de Carlo Acutis. Une figure laïque et progressiste du catholicisme confie ainsi à BFMTV ses "réserves". "Carlo Acutis ne parle pas à toutes les chapelles", nuance-t-il. En particulier quand le jeune homme évoquait son "autoroute pour le ciel".
"Je n'ai aucune hostilité à son égard, mais en tant que chrétien, l'objectif de ma vie n'est pas d'aller au ciel, mais de la transformer pour faire le choix d'une vie tournée vers la bonté et la fraternité."
Si Carlo Acutis fait l'unanimité, ce serait plutôt du côté de certaines communautés. Ce que confirme Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage chrétien. "C'est une figure très populaire chez les conservateurs", analyse-t-elle. Elle pointe quelque chose de l'ordre du "suranné" dans la figure de Carlo Acutis.
"C'est le premier saint à la mode TikTok mais c'est un saint à l'ancienne. Les miracles eucharistiques, la vie tournée vers le paradis, il a beau être en sweat-shirt (le corps de Carlo Acutis est exposé en survêtement dans un tombeau vitré en l'église Santa Maria Maggiore à Assise, en Italie, NDLR), il parle comme au XIXe siècle."
Pour Christine Pedotti, cette canonisation n'est pas dénuée d'une portée politique. "Les canonisations ont toujours été de grandes politiques de communication du Vatican." Des événements qui se révèlent aussi comme un outil d'influence. "Avec Carlo Acutis, le Vatican communique sur un modèle de piété, de dévotion avec une dimension sacrificielle. C'est un gage donné aux courants conservateurs."
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