La prison : tremplin de la radicalisation musulmane ?

L'Institut national des hautes études de sécurité (Inhes) avait dénombré, lors d'un colloque en 2008, 340 "détenus radicaux" ou "en voie de radicalisation" sur les 64.000 prisonniers. - -
La trajectoire criminelle de la cellule islamiste démantelée ce week-end à Strasbourg fait fortement échos à l'affaire Mohamed Merah. Le caractère solitaire en moins. Le groupuscule de onze personnes, jeunes convertis, soupçonnées d'avoir participé, le 19 septembre, à l'attentat contre une épicerie juive de Sarcelles, semblent, pour la plupart, avoir glissé vers le fondamentalisme religieux pendant leur séjour en prison.
Le recrutement des islamistes derrière les barreaux est une réalité. Mais le phénomène demeure en marge. "Souvent ces jeunes sont recrutés dans des banlieues ou des lieux d'exclusion et ils ont déjà pratiqué la délinquance, souligne Farhad Khosrokhavar, spécialiste de l'islam, dans une interview au Parisien.
Il existe quelques cas d'adhésion à l'islam radical en prison. Mais, "c'est l'exception plutôt que la règle", poursuit le directeur de de recherches à l'EHESS. De son côté, l'Institut national des hautes études de sécurité (Inhes) avait dénombré, lors d'un colloque en 2008, 340 "détenus radicaux" ou "en voie de radicalisation" sur les 64.000 prisonniers à l'époque. A peine 0,53% des détenus.
Une ignorance de l'islam
Dans les prisons toutefois, certains observent la tendance prendre de l'ampleur. "On peut constater des appels à la prière ou des gens qui entrent sans la barbe et qui ressortent avec une barbe", constate Christophe Marquès, secrétaire général de FO-pénitentiaire interrogé par BFMTV (voir la vidéo en illustration). Ces convertis "sont ceux qui, il y a quelques décennies, auraient été membres de groupuscules d'extrême gauche", pointe Farhad Khosrokhavar dans la même interview. Ces jeunes détenus n'ont souvent pas connaissance de l'islam, ils sont influençables.
Le manque d'aumôniers est critiqué. L'islam en prison est encadré par 150 aumôniers musulmans agréés à la fois par l'administration pénitentiaire, l'aumônier général musulman et les services de renseignements. En effet, si les musulmans disposent d'une centaines d'aumôniers, les chrétiens en ont plus de 900 à disposition, pointait un avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue dans un texte choc de sept pages paru en février 2011.
Par souci d'équité, il faudrait deux fois plus d'aumôniers en prison vu que les détenus musulmans représentent 30 à 40% de l'effectif carcéral. Augmenter le nombre d'aumôniers aurait la vertu de lutter contre les imams autoproclamés et les prières dans les cours de promenades, pourtant interdites.
Deux fois plus d'aumôniers musulmans
Du point de vue de l’Aumônerie musulmane des prisons, qui a répondu à BFMTV.com, il est difficile de connaître le poids de l'apport religieux dans le parcours personnel. "Pour connaître le lien de la prison, il faudrait avoir connu la personne avant son entrée et son parcours après", explique une aumônière exaspérée par la polémique et qui travaille depuis une dizaine d'années avec les détenus.
L’aumônerie travaille sur le long terme pour construire un climat de confiance, invoquant le fait qu’on ne parle pas des autres types de recrutements en prison, la drogue par exemple. "Des personnes peuvent dériver dans tous les domaines, on ne peut pas contrôler les consciences, seulement les accompagner", conclut-elle.
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a pris le sujet à bras-le-corps à l'inauguration de la Grande mosquée de Strasbourg. Il avait mentionné ces carrences, insistant sur l'importance que l'Islam en France s'organise.