Accusations contre l'Abbé Pierre: ce que contient le livre-enquête sur les agissements du prêtre

Portrait de l'abbé Pierre pris le 03 mars 2005 dans les locaux de l'association Droit au logement (DAL) à Paris, - ERIC FEFERBERG / AFP
Un livre-enquête, publié ce jeudi 17 avril par les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin, sur les accusations visant l'Abbé Pierre fait de nouvelles révélations en se basant notamment sur des archives du Vatican.
Le fondateur d'Emmaüs était visé fin janvier par 33 accusations de violences sexuelles, certaines émanant de personnes qui étaient des enfants au moment des faits présumés. Ces agressions sexuelles et viols, commis entre les années 1950 et 2000, ont été révélés dans trois rapports depuis juillet 2024.
• Le Vatican était au courant depuis 1955
Le Vatican était au courant "dès l'automne 1955" des agissements de l'abbé Pierre, visé par des accusations d'agressions sexuelles. "Dès l'automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l'abbé Pierre mais le Saint-Siège aussi", affirment dans L'Abbé Pierre, la fabrique d'un saint (Allary Editions) les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin.
Elles rapportent une "procédure judiciaire" réclamée alors par le Saint-Siège à laquelle l'évêque de Versailles n'a pas donné suite.
• Un document de dix pages sur ses agissements
Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin s'appuient sur les archives du Dicastère pour la Doctrine de la foi, consultées en mars 2025. Le livre mentionne notamment le compte rendu d'une réunion plénière de la Suprême congrégation du Saint-Office sur le cas de l'abbé Pierre du 18 mars 1957.
Ce "document de dix pages dresse la chronologie des agissements sexuels de l'abbé Pierre de 1955 à 1957, détaille les courriers d'alerte de cardinaux américain et canadien en 1955, et les décisions du Saint-Office", précisent les auteures.
Le document relate également une demande formulée en septembre 1955 par le Saint-Office au nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège) alors en poste en France, Paolo Marella, "de suivre de près le cas de l'abbé Pierre", également soupçonné de liens avec le communisme.
• "Des choses immorales" aux États-Unis
Un chanoine aurait en outre "écrit le 25 octobre 1955 au Saint-Office pour dire" qu'il savait que "des choses immorales" avaient été commises par l'abbé Pierre aux États-Unis, précisent les deux journalistes.
• Le mot "victime" jamais cité
En France, les archives de l'Église, ouvertes de façon anticipée devant l'émotion provoquée par ces révélations, ont déjà permis de dévoiler comment, à la fin des années 1950, la hiérarchie épiscopale avait gardé le silence sur un comportement jugé "problématique" mais jamais nommé.
"C'est intéressant de voir comment ces affaires de suspicion de violences sexuelles sont gérées à l'époque, autant par le Vatican que par l'épiscopat: le mot "victime" n'est jamais cité. En fait, c'est la crainte du scandale à chaque fois", a déclaré à l'AFP Laetitia Cherel.
Le pape François avait pour sa part assuré en septembre que le Vatican était au courant, au moins depuis la mort de l'abbé Pierre en 2007, des accusations de violences sexuelles.
La Conférence des évêques de France avait formé le vœu que "le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l'a su", une demande jusqu'ici restée lettre morte.
• Des propos antisémites
Le livre-enquête revient également sur des propos tenus par l'abbé Pierre sur les Juifs le 21 juillet 1944, évoquant "des familles contraintes à l'oisiveté (sans qu'il soit de leur faute, certes) mais regorgeant d'or avec quoi elles raflaient avec une impitoyable dureté tout".
Des propos qui font écho au soutien polémique que l'abbé avait apporté au milieu des années 1990 au philosophe Roger Garaudy, auteur d'un livre révisionniste.