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Société

Prostitution : faut-il supprimer le délit de racolage passif ?

Une proposition de loi débattue ce jeudi vise à supprimer le délit de racolage passif, mais le gouvernement veut aller plus loin et pénaliser le client.

Une proposition de loi débattue ce jeudi vise à supprimer le délit de racolage passif, mais le gouvernement veut aller plus loin et pénaliser le client. - -

Le Sénat examine ce jeudi une proposition de loi pour supprimer le délit de racolage passif, tandis que la sénatrice UDI Chantal Jouanno aussi souhaite pénaliser les clients. Si les prostituées soutiennent la première idée, elles craignent la seconde.

C'était l'une des promesses de campagne de François Hollande : supprimer le délit de racolage passif. La proposition de loi en ce sens de la sénatrice écologiste Esther Benbassa est débattue ce jeudi au Sénat. Le but est de faire disparaître ce délit du code pénal, qui punit de deux mois de prison et de 3750 euros d'amende les prostituées qui attendent leurs clients dans la rue.
Mais si les associations qui travaillent auprès des prostituées sont favorables à cette abrogation, la proposition de loi embarrasse le gouvernement : déposée une première fois en novembre 2012, elle avait d'ailleurs déjà été retirée, car l'exécutif avait d'autres projets. Il souhaitait mettre en place un nouvel outil pour lutter contre la prostitution : la pénalisation des clients. La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem l'avait proposé, mais c'est la sénatrice centriste et ancienne ministre Chantal Jouanno qui défendra un amendement dans ce sens. Najat Vallaud-Belkacem a promis un texte global d'ici à l'automne sans pour autant dire si la pénalisation du client sera à l'ordre du jour.

« Les plus vulnérables sont les plus pénalisées »

Responsable de la mission de Médecins du Monde auprès des prostitué(e)s à Nantes, Paul Bolo estime que pénaliser les clients n’est pas un bon moyen d’aider les femmes à sortir de la prostitution. « Ça n’empêchera rien du tout. Dans un premier temps, ça nettoie les trottoirs, mais après, celles qui vont revenir, ce sont celles qui ne pourront pas être à l’abri, celles qui ne pourront pas se payer un petit appartement. Ce sont toujours les plus vulnérables et les plus précaires qui sont le plus pénalisées. Cette loi est dans une absence de réalité de terrain, je le maintiens ».

« Faire un cadeau aux proxénètes »

A 36 ans, Maîtresse Gilda voit les dégâts qu'a provoqué ce délit de racolage. « Ça complique simplement l’exercice et ça dégrade les conditions de travail. On est obligées de se cacher pour éviter les arrestations, les amendes, on est dans des endroits de plus en plus reculés, donc forcément plus exposées au danger ». Envisager sa suppression lui paraît donc être une bonne chose, mais l’idée de pénaliser les clients, en revanche, l’inquiète. « Ce serait la pire des choses, c’est faire un cadeau aux proxénètes et aux mafias, parce que dès qu’on est dans l’interdiction et la clandestinité, c’est l’opacité la plus complète. Et qui en profite le plus ? Ce sont les réseaux criminels ». Que le débat tourne autour du délit de racolage ou de la sanction du client, Maîtresse Gilda ne demande qu'une chose : qu'on la laisse travailler en paix.

Mathias Chaillot avec Juliette Droz