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Société

Printemps des pères: entre théorie du complot et messages troubles

Une banderole déployée au Puy-en-Velay jeudi.

Une banderole déployée au Puy-en-Velay jeudi. - -

Ce jeudi a eu lieu le "Printemps des pères", bien moins médiatisé que les premières actions sur les grues. En cause? Des messages parfois misogynes, laissant penser que ces pères militent pour une domination patriarcale.

Ce jeudi, rebaptisé Le printemps des pères par de nombreux défenseurs de la garde alternée et du droit des papas, devait être le point culminant de leur "combat", que eux préfèrent nommer "résistance". On évoquait çà et des actions spectaculaires, coup de poing, sensés attirer au moins autant de caméras que Serge Charnay sur sa grue jaune nantaise le 15 février dernier. Oui mais voilà: les médias semblent s'être lassés, troublés par l'ambivalence du discours, différent d'un militant à l'autre.

C'est ainsi que seuls de brefs articles dans la presse régionale ont évoqué ce jeudi ce père sur le toit d'Ikea à Toulouse, ces trois pères à Caen perchés en haut de pylônes publicitaires dans un parking, ces banderoles suspendues à des grues de chantier au Puy-en-Velay, ou encore ces deux pères sur un pylône à Ploufragan, dans les Côtes-d'Armor.

Qui rassemble ces pères de famille? "C'est un mouvement collectif et spontané, qui n'a pas d'étiquette, et qui s'organise via les réseaux sociaux notamment", nous affirme Nicolas Moreno, deuxième des papas à être monté sur une grue. "Nous sommes égalitaristes, nous demandons l'équité des droits entre le père et la mère, nous ne voulons pas nous placer au-dessus des mamans."

De la misogynie au masculinisme

Un plaidoyer pacifiste pas toujours partagé par tous ces pères en colère. Le coup de sang de Serge Charnay, au pied de sa grue, évoquant "ces bonnes femmes qui nous gouvernent et qui se foutent toujours de la gueule des papas", avait été la première ombre au tableau. Les propos tenus ensuite par d'autres pères, sur Facebook par exemple, ont fini d'obscurcir le message, comme cette photo.

Pour Patric Jean, réalisateur du documentaire La domination masculine, l'affaire est close: tous ces papas, modérés et plus extrêmes, font partie du masculinisme. Un courant de pensée né au Canada, "qui propose le rétablissement de valeurs patriarcales sans compromis: différenciation radicale des sexes et de la place de l'homme et de la femme à tous niveaux de la société, suprématie de l'homme sur la femme dans la famille, mais aussi dans la conduite de la cité", écrit-il en substance dans Le Monde.

"Certains hommes, habitués à ce que l'on considère la violence conjugale comme une affaire privée et l'inceste comme un sujet à ne pas évoquer, ne décolèrent pas à l'idée qu'une femme puisse les dénoncer, voire porter plainte. Tout progrès en ce sens est vécu par eux comme une trahison." Et pour le cinéaste, "ce qui se passe en France en ce moment est directement lié à ce mouvement."

Théorie du complot?

Problème: à ce jour, aucun père français ne s'est réclamé du masculinisme dans les médias. Dans Libération, Serge Charnay les qualifie "de débiles qui n'ont rien compris". Nicolas Moreno, lui, ne va pas jusqu'à les insulter, mais se situe "au centre, entre le féminisme et le masculinisme". "Je refuse les étiquettes. Je n'aime pas appartenir à un groupe, surtout quand je ne partage pas leurs idées." Il s'indigne en revanche des propos de Patric Jean, qu'il qualifie de "divisionniste mercantile".

Alors que penser? Qu'il s'agit d'un complot, où des pères voulant trancher la tête des mères avancent masqués? Certains messages sont indéniablement violents. Alors seul le temps le dira. Le 9 juin prochain, ces pères divorcés veulent organiser une marche. En attendant, Nicolas Moreno continue de marteler son souhait personnel: obtenir la garde alternée de ses deux fils, âgés de 2 ans et 1 an. "Parce que les enfants, c'est la vie. Et quand on ne les voit plus, on est démoli."