Plaintes contre Abdul X et son « tirez sur les keufs »

Un rappeur amateur de Sèvre (Hauts-de-Seine), Abdul X, menace clairement la police dans un clip qui a circulé ces dernières semaines sur internet. - -
Brice Hortefeux a décidé de porter plainte contre un rappeur, auteur d'une chanson intitulée « Tirez sur les keufs ». Ce rappeur amateur de Sèvres (Hauts-de-Seine), Abdul X, menace clairement la police dans un clip qui a circulé ces dernières semaines sur internet. Deux syndicats de police, Alliance et Synergie, réclamaient des sanctions au ministre de l'intérieur. La ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie a de son côté demandé l'ouverture d'une enquête préliminaire suite aux propos relevant de l'apologie du crime. : « Tirez sur les keufs (flics) et sur le comico (commissariat) ; gros big up à nos reufs (frères) [...] qui sont au karpla (en prison) à cause de tous ces tarbas (bâtards) ; une balle dans ta race. »
Extrait de « Tirez sur les Keufs »
Marc Louboutin est ancien policier, fondateur du blog de la police. C'est sur ce blog que les premières dénonciations sont apparues. Est-ce que c'est judicieux de faire connaître ce clip d'un amateur ? « Il faut faire prendre conscience aux gens des conditions de travail des policiers de terrain. Ce genre de vidéos est révélateur de la façon dont ils sont traités. Il faut que ces gens prennent la responsabilité de chanter des appels au meurtre, jusqu’au bout… devant les tribunaux. Abdul X c’est quelqu’un qui est identifié. Une simple convocation au commissariat suffirait simplement. »
Tous les groupes de rap poursuivis ont été relaxés
Olivier Cachin est journaliste, spécialiste du rap. Que pense-t-il de cette éventualité d'une plainte contre cet Abdul X ? « L’intégralité des groupes de rap poursuivis ces dix dernières années ont tous été relaxés. On est bien évidemment sur la liberté d’expression. Y’a une grosse différence entre menacer de mort un policier et prononcer certaines paroles dans un cadre bien défini qui est une chanson de rap, d’un artiste qui fait un morceau, qui contient des paroles, sorties du contexte qui pourraient être comprises comme incitant à commettre des crimes ou des délits. »
Alibi Montana est un rappeur de Seine-Saint-Denis, déjà poursuivi. Comment cela s'était passé pour lui ? « J’ai très mal subi le fait de me retrouver devant les tribunaux pour mon répertoire. J’avais été poursuivi pour une chanson qui s’appelait Bienvenue à la Courneuve, suite au passage de monsieur Sarkozy. Je lui avais dit d’arrêter la politique spectacle et d’inciter les gens, sinon il allait se faire buter. J’ai gagné mes procès parce que les juges ont eu l’intelligence de voir que c’était de la musique, que j’étais auteur et que c’était une chanson comme une autre. »
« Ce sont les plaintes qui font exister des groupes comme ça »
Les syndicats de police demandent donc des poursuites judiciaires. Maître Guillaume Treynard a déjà défendu plusieurs groupes de rap. Il relativise l’impact du morceau et décrypte des mécanismes plus incidieux : « Si les policiers sont surpris par ce genre d’attitude, moi je suis surpris par l’attitude des policiers. Ça n’a aucune valeur artistique en soi. Ce qui a une valeur, c’est quand les artistes vont développer de vrai points de vue et la controverse. Qu’est ce qui fait exister un rappeur qui dit Nique la police depuis sa chambre avec sa caméra DV et qui poste ça sur Youtube ? Ce sont les plaintes de la police et du ministère de l’Intérieur. Sinon, ça n’existe pas. Des groupes comme ça, y’en a des milliers ! »