Periscope: un an d'existence et déjà beaucoup de scandales

Les images ont sidéré les internautes. Mardi en fin d'après-midi, une jeune femme de 19 ans s'est jetée sur le passage du RER C en gare d'Egly, dans l'Essonne, diffusant son geste et ses raisons en direct sur internet via l'application Periscope. Une vidéo suivie par plus d'un millier de personnes.
Scandales à répétition
Ce n'est pas la première fois que cette application fait parler d'elle. Née en mars 2015 après le rachat de la startup l'ayant créée par Twitter, Periscope permet de diffuser - et de regarder - des vidéos en direct depuis n'importe où dans le monde, pour peu que son téléphone soit connecté à internet. Mais jusqu'ici, l'application avait surtout fait l'actualité lors d'événements sans conséquences graves.
Mi-février, le joueur du PSG Serge Aurier avait insulté son entraîneur Laurent Blanc ainsi que certains de ses coéquipiers alors qu'il répondait à des questions d'internautes. Deux semaines plus tard, c'était François Hollande qui faisait les frais du caractère complètement public des diffusions en recevant des messages d'insultes sur la vidéo de sa visite de l'entreprise Showroomprivé.com.
Plus problématique, fin février, c'était un détenu de la maison d'arrêt de Béziers qui se filmait, répondant avec légèreté aux questions de ses spectateurs et se vantant d'avoir accès à, outre son smartphone, de l'alcool et de la drogue. Début avril, deux employés d'une boutique SFR du Nord ont été licenciés après avoir détruit le téléphone d'une cliente sous les encouragements des utilisateurs de l'application.
Non-assistance à personne en danger
Mais l'affaire d'Egly, bien plus grave, pose aujourd'hui un certain nombre de questions, en particulier celle de la responsabilité des internautes qui ont suivi la diffusion en direct.
"Si vous transposez ce qui se passe sur internet dans la rue, avec une personne qui menace de porter atteinte à sa vie, les personnes autour ont l'obligation d'intervenir", rappelle Christiane Feral Schuhl, avocate spécialisée en droit informatique, à BFMTV. "Le citoyen a cette obligation de porter assistance à l'autre. C'est vrai dans le monde réel, c'est vrai dans le monde virtuel."
En théorie, les spectateurs du drame pourraient donc être poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Mais encore faudrait-il prouver qu'ils avaient conscience de ce qui allait se passer. Avant son passage à l'acte, la jeune fille n'avait pas été très explicite sur celui-ci, assurant même à certains qui s'inquiétaient qu'elle n'allait pas se suicider.
Bouton d'alerte
L'autre problème, c'est que rien n'est prévu à l'heure actuelle sur Periscope pour alerter en urgence sur une personne en danger. Il existe bien une fonction pour signaler a posteriori du contenu choquant, mais pas pour déclencher une action immédiate, comme l'appel des secours. Mardi, un internaute a appelé la gendarmerie dès qu'il a reconnu la gare d'Egly et compris l'intention de la jeune fille, mais c'était déjà trop tard.
Signaler a posteriori, c'est d'ailleurs tout ce à quoi oblige la législation actuellement, via la loi sur l'économie numérique mise en place en... 2004. Douze ans plus tard, elle montre de toutes évidence ses limites. Mais selon Olivier Cousin, avocat associé au cabinet Gide, il faut se garder de considérer les réseaux sociaux comme mauvais par nature.
"Je crois qu'il y a une autorégulation, explique le juriste. On l'avait vu avec Facebook, qui avait permis notamment sur les révolutions arabes d'avoir des informations que les médias traditionnels n'avaient pas. Donc je pense qu'il y a des points positifs. Tout cela interroge le droit, et ce droit doit évoluer en concertation avec les éditeurs, et évidemment avec les autorités."
De son côté, si elle n'a rien pu faire au moment des faits, l'équipe de Periscope a en revanche supprimé la vidéo du passage à l'acte de la jeune fille, avant la fin du délai de 24 heures habituel.