Patch anti-allergies: comment fonctionne cette prometteuse invention française?

Le patch Viaskin pourrait apporter un tout premier traitement contre les allergies alimentaires. - DBV Technologies
Une révolution à venir pour les allergiques? Aussi facile à utiliser qu’un patch anti-tabac, Viaskin est un patch anti-allergies qui pourrait voir le jour d'ici à 2018. Les investisseurs, eux, semblent y croire, puisque la PME française qui l’a développé, DBV, vient tout juste de faire son entrée à la Bourse de New York. Le pédiatre Pierre-Henri Benhamou, par ailleurs co-fondateur et P-DG de DBV, a expliqué à BFMTV.com comment ce patch fonctionne.
Qui sera concerné?
En 2002, les docteurs Pierre-Henri Benhamou et Christophe Dupont imaginent un patch de désensibilisation aux allergies alimentaires, notamment une des plus fréquentes et la plus mortelle: l’arachide. Aux Etats-Unis, où le dispositif devrait être lancé courant 2017 ou début 2018, l'allergie à l'arachide fait plus d'une centaine de victimes chaque année. Jusqu'à présent, les personnes allergiques aux arachides ne peuvent pas être désensibilisées. Elles doivent éviter toute trace d’arachide dans leur alimentation ou pratiquer une immunothérapie orale, qui doit être strictement contrôlée médicalement.
Deux autres patchs sont à l'étude, mais à un stade moins avancé: l'un vise l'allergie au lait de vache, qui concerne les très jeunes enfants, et l'autre l'allergie aux acariens. Ces allergies peuvent en engendrer d'autres, voire de l'asthme sur le long terme.
Comment ça marche?
Appliqué sur la peau et changé tous les jours, le patch est constitué d'un film sur lequel ont été déposés des microgrammes d'allergène (voir la vidéo explicative de l'entreprise). "Il est destiné en priorité aux allergies les plus sévères, celles qui peuvent entraîner des réaction allergiques aiguës. Il consiste à administrer par la peau la protéine allergénique qui active le système immunitaire sans pénétrer dans la circulation sanguine. On évite ainsi tout risque de choc anaphylactique [une réaction allergique très forte pouvant entraîner la mort, NDLR]", présente Pierre-Henri Benhamou.
"Concrètement, on stimule le système immunitaire de façon régulière pour que la personne tolère peu à peu l’allergène. Cette méthode, dite "épicutanée", cible des cellules présentes à la surface de la peau qui vont attraper des allergènes et les emmener vers le système immunitaire sans passer par le sang", détaille le médecin. "Les applications répétées de l’allergène sur la peau permet de rendre le système immunitaire progressivement tolérant", résume-t-il.
Parmi les grands avantages de ce patch, il est sans danger et ne peut pas déclencher de réaction systémique: "Il peut y avoir des réactions locales, mais elles sont assez faciles à gérer: il suffit d’enlever le patch et de nettoyer la peau", balaie le spécialiste.
Quels sont les premiers résultats cliniques?
Des essais cliniques, dont les résultats ont été publiés en septembre, ont été menés sur 221 patients très allergiques à l’arachide - ne pouvant ingérer plus d'une cacahuète - dont 113 enfants âgés de 6 à 11 ans. Les patients ont reçu un patch Viaskin tous les jours pendant 12 mois.
"Nous avons considéré que le test avait été réussi pour ceux qui au bout d’un an, pouvaient ingérer soit dix fois plus que leur dose de départ, soit quatre cacahuètes sans avoir de symptômes", décrypte Pierre-Henri Benhamou. Au final 53% des enfants ont réussi le test, contre 19% dans le groupe placebo. Or, comme le souligne le pédiatre, "ces résultats devraient encore s’améliorer puisque le traitement est pensé sur trois ans et sera suivi pendant encore deux ans".
Quelles sont les perspectives d'utilisation pour ce patch?
Une troisième et dernière phase d'étude doit avoir lieu concernant le patch "Peanut", qui devra ensuite obtenir une autorisation. S'il assume viser "une population très, très large", Pierre-Henri Benhamou ne prétend pas vendre un produit miraculeux. "Le but n’est pas de permettre aux patients de manger toute l’arachide qu’ils veulent. Une poignée de cacahuètes, ce n’est pas indispensable dans la vie. Mais on leur permet d’éviter un risque permanent qui leur pourrit la vie", se satisfait-il.
Après le Viaskin Peanut pour les arachides, celui pour le lait et les acariens, l'aventure pourrait encore se développer, espère Pierre-Henri Benhamou: "C’est très prometteur car cette méthode pourra être utilisée plus largement en immunothérapie, dans le cas de maladies inflammatoires ou auto-immunes".