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Pas de responsable pour l’Erika ?

Nettoyage des plages après la catastrophe de l'Erika

Nettoyage des plages après la catastrophe de l'Erika - -

La Cour de cassation doit se prononcer sur le naufrage de l’Erika, il y a 12 ans. Pour un bateau étranger échoué en dehors des eaux territoriales, Total pourrait en effet se voir enlever toute responsabilité pénale. Il promet toutefois de ne pas toucher aux compensations financières déjà versées.

Total est-il responsable du naufrage de l’Erika ? Plus de 12 ans après la catastrophe qui avait pollué 400 kilomètres de côtes et tué 150 000 oiseaux, la Cour de cassation doit toujours répondre à cette question. Elle doit d’ailleurs dire ce mardi à 14h si elle valide, ou annule, les condamnations prononcées en 2010. Selon l'avocat général en effet, la justice française ne pouvait pas se saisir du naufrage de l'Erika car le bateau était étranger et que le naufrage a eu lieu en dehors des eaux territoriales françaises. La procédure pourrait donc être tout simplement annulée.

« Des conventions internationales faites pour être respectées »

La décision est très attendue par les communes, les collectivités locales et les associations victimes de ce naufrage, même si les réparations financières ne seront pas rétrocédées, Total n'en demandant pas le remboursement. Les parties civiles pourront donc garder les 200 millions d'euros de dommages et intérêts obtenus. C’est d’ailleurs ce que justifie l’avocat du groupe pétrolier, maître Daniel Soulez-Larivière : « L’ensemble des préjudices ont été indemnisés, c’est définitif, on ne reviendra pas dessus », affirme-t-il avant d’expliquer pourquoi il souhaite tout de même que la Cour de cassation se prononce en sa faveur. « On est dans une situation purement juridique et technique, et non pas dans une situation qui intéresse en tant que telle les victimes indemnisées. La difficulté intrinsèque, c’est qu’il y a des conventions internationales qui sont faites pour être respectées par chaque état. Si chaque état peut donner son interprétation du traité avec un droit national incompatible, ça pose un problème. Donc que va dire la Cour de cassation, quelle est l’indication juridique qu’elle va donner pour l’avenir, c’est ça l’enjeu ». Une façon, aussi, d’obtenir une jurisprudence favorable en cas de nouveau drame du même genre.

« Un encouragement pour d'autres marées noires »

« Ce serait une grande injustice », estime Danielle Rival, la maire UMP de Batz-sur-mer, qui parle de véritable « carnage ». « On s’est battus pendant 12 ans pour que ceux qui ont souillé soient punis. S’ils ne le sont pas, c’est un encouragement pour d’autres marées noires. Des bateaux poubelles, il y en a encore, et ça peut encore arriver demain, ça veut dire que rien n’a été fait depuis l’Amoco Cadiz », regrette l’élue.

« Une décision extrêmement grave »

Maître Patrice Spinosi, avocat de plusieurs collectivités locales parties civiles, jugerait l’invalidation de la Cour de cassation invalidait comme « une décision extrêmement grave ». Une simple « faille dans la loi » pourrait tout chambouler : « Du fait de la mauvaise rédaction d’une loi française, aucune poursuite pénale ne pourrait être engagée ? Ce serait une relaxe pour Total, pour l’ensemble des acteurs du fret de l’Erika, cela enverrait comme signal le fait que lorsqu’il y a une pollution qui intervient hors des eaux territoriales, et bien on peut utiliser les failles de la loi pour s’exonérer d’une responsabilité pénale ».

Une loi à Bruxelles ?

A l’heure actuelle, l’annulation de la procédure est pourtant l’une des hypothèses les plus probables, l’avis du de l’avocat général. Les communes victimes du naufrage espèrent que les magistrats feront une interprétation extensive de la loi pour qu’il y ait toujours un responsable pénal. Sinon, ils promettent d’aller plus loin. Certains maires envisagent d'écrire au président de la République, d'autres demanderont une loi à Bruxelles.

La Rédaction, avec Aurélia Manoli