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"On est revenus dans l'indifférence totale": le témoigne d'Esther Sénot, déportée et rescapée d'Auschwitz

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Aujourd'hui âgée de 97 ans, celle qui a passé 17 mois dans le camp d'Auschwitz explique ce mardi 28 janvier sur BFMTV également la promesse faite à sa sœur peu avant sa mort.

"J'ai été déportée le 2 septembre 1943." Au lendemain des célébrations des 80 ans de la libération du camp d'Auschwitz, Esther Sénot, l'une des rescapées de ce camp d'extermination nazie, aujourd'hui âgée de 97 ans, est intervenue au micro de BFMTV.

Après avoir rappelé que 17 membres de sa famille ont été arrêtés par les autorités françaises lors de la rafle du Vel-d'Hiv en juillet 1942, la nonagénaire, qui a passé 17 ans dans le camp nazi et qui s'évertue aujourd'hui à raconter son histoire aux collégiens et lycéens, se rappelle de l'indifférence avec laquelle elle est revenue en France à la libération.

"On (les Juifs, NDLR) est revenus dans l'indifférence totale. À la Libération en 1944 on est arrivés un an après, personne ne pouvait imaginer ce qui nous est arrivé. Il y avait cette génération d'après la guerre qui est passé au travers car on n'en parlait pas", dit-elle.

Selon elle, c'est lorsque les associations se sont emparées du sujet, puis lorsque "c'est arrivé dans les manuels scolaires" que les consciences ont changé quant à la déportation des Juifs en France.

Promesse à sa soeur

Esther Sénot, qui a commencé à témoigner en milieu scolaire à partir de 1985, explique l'importance pour elle de prendre la parole. Cela remonte à une promesse faite à sa sœur à Auschwitz, alors que toutes deux étaient emprisonnées dans le camp.

"Quand je suis arrivée au camp, j'ai retrouvé ma sœur qui avait été déportée avant moi, je ne le savais pas. Cela faisait huit mois, je ne l’ai pas reconnue, elle était méconnaissable. Physiquement elle était diminuée", se rappelle-t-elle.

"Je la voyais dépérir de jour en jour", ajoute-t-elle, jusqu'à un matin où elle ne retrouve pas sa sœur dans son baraquement.

"Je me suis précipitée à l'infirmerie je l'ai trouvée allongée, couverte de plaies ouvertes, elle crachait du sang, dans un état déplorable. Elle s’est soulevée, elle m’a pris dans ses bras et m'a dit: 'tu me promets de raconter tout ce qu'on a supporté, subi ici, ce que ces hommes ont fait. Tu me promets qu’on ne sera pas les oubliés de l'Histoire.' Je ne l’ai jamais revue", ajoute-t-elle.

"Revivre les mêmes événements"

Lundi lors des commémorations à Auschwitz, une poignée de survivants a dénoncé "montée énorme" de l'antisémitisme, "or c'est précisément l'antisémitisme qui a conduit à l'Holocauste", a averti Marian Turski, âgé de 98 ans, en ouvrant les cérémonies.

Pour sa part, Esther Sénot l'assure, "l'antisémitisme a toujours existé." Toutefois, elle tient à mettre en garde contre le glissement actuel. "J'ai l’impression de revivre les mêmes événements qu’en 1940, encore en plus violent", termine-t-elle.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV