Michelin : l'heure des doutes et des craintes

Sur les 900 salariés de l'usine de Joué-lès-Tours, 700 perdront leur emploi ou seront mutés. - -
Si Michelin va investir 800 millions d'euros dans ses activités en France, ses employés de Joué-lès-Tours ne verront jamais passer l’argent. Le groupe de pneumatique compte cesser la production de pneus poids lourds et supprime 700 postes à Joué-lès-Tours pour faire face à la baisse de la demande en Europe. L'atelier poids lourds de cette usine d'Indre-et-Loire cesserait sa production d'ici le 1er semestre 2015.
Deux postes sur un autre site proposé à chaque salarié
200 salariés seront maintenus sur le site pour travailler dans les produits dits semi-finis déjà fabriqués sur place, c'est-à-dire des tissus métalliques et des membranes en caoutchouc. « Parmi les 730 autres, 250 pourraient bénéficier d'un aménagement de fin de carrière », précise le groupe dans un communiqué. « Chacun des 480 salariés restants se verrait proposer deux postes correspondants à ses compétences sur un autre site de Michelin en France ». Le géant du pneumatique prévoit aussi un accompagnement pour ceux qui préfèreraient partir.
« Partir d’ici avec un crédit sur le dos… »
Michelin, pourtant, a conditionné la vie de nombreuses familles. Ainsi, Fadil Hamidovic a été recruté directement en Serbie il y a près de 40 ans. Il a connu les grandes heures de l’usine, puis les plans sociaux, « tous les 5 ans », raconte-t-il. « Celui-là est catastrophique, dommage pour les jeunes, pour la ville ». Son fils, Ernad, travaille ici depuis trois ans. « Quand on vous embauche, on vous dit "il y a de l’avenir dans cette boite", aujourd’hui ils nous disent que ça ferme. Soit c’est une mutation en France, soit à l’étranger », craint le jeune homme, qui précise : « Je suis marié, j’ai une femme, un enfant, donc partir d’ici avec un crédit sur le dos, on ne peut pas ». Ernad suivra les négociations entre les syndicats et la direction de très près, mais se prépare déjà à apprendre un nouveau métier.
« Je suis la troisième génération, la dernière sûrement »
Mikael Da Silva, 27 ans, fait aussi partie de ces jeunes qui ont grandi avec le Bibendum. « Je suis la troisième génération, la dernière sûrement. Quand mon grand-père a travaillé ici, il y avait plus de 4000 salariés, demain il n’y en aura plus que 200, ça fait un peu mal au cœur. Mon père est encore là aujourd’hui, il a 53 ans, dans le marché du travail, assez bouché, arrivé à 50 ans, c’est très très délicat de trouver du travail. Aujourd’hui, moi, il y a de grandes chances que je fasse partie des gens à qui on va proposer d’être muté. Le problème, c’est qu’on a nos attaches ici. Je suis marié avec une femme qui travaille à Tours, papa d’une petite fille de 17 mois, propriétaire d’un appartement, j’ai un prêt en cours, je n’ai aucune envie de quitter la région ».
Des bénéfices en hausse de plus de 7%
Michelin compte investir au total 800 millions d'euros de 2013 à 2019 pour permettre à ses usines françaises « d'atteindre les meilleurs standards de compétitivité en Europe » et développer son centre de recherche mondial à Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme. La CGT a appelé lundi les salariés du groupe à des arrêts de travail et à une manifestation à Clermont-Ferrand le mercredi 19 juin. Cette annonce est d'autant plus difficile à entendre pour eux que le groupe Michelin a réalisé des bénéfices en hausse de 7,4% à 1,5 milliards d'euros l'année dernière. Une réunion entre les élus locaux et la direction de Michelin doit avoir lieu ce matin à 9h.