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Logement

350.000 personnes sans domicile, enfants à la rue... Les chiffres alarmants du mal-logement en France

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En 2024, 350.000 personnes étaient sans domicile en France, selon la Fondation pour le logement des défavorisés. Un chiffre en hausse de 145% depuis 2012. À cela s'ajoutent des millions de personnes qui sont mal-logées dans le pays.

"Tous les signaux sont au rouge sur le front de la crise du logement". La Fondation pour le logement des défavorisés publié son rapport annuel ce lundi 4 février. Ce document de 342 pages sur l'état du mal-logement est le 30e de l'ex-Fondation Abbé Pierre, qui a changé de nom fin janvier après les multiples accusations de violences sexuelles visant son fondateur. Il enchaîne les chiffres alarmants.

• 350.000 personnes sont sans domicile en France

En 2024, la fondation évalue à 350.000 le nombre de personnes sans domicile, en hébergement ou à la rue, en hausse de 6% sur un an et de 145% depuis 2012, sans compter les 590.000 personnes hébergées chez des tiers (hors parents) en 2020 contre 510.000 en 2013.

Au total, elle comptabilise 4,2 millions de personnes mal-logées, qu'elles soient privées de logement ou vivant dans des conditions difficiles.

Conséquence directe, 5.000 à 8.000 personnes, dont 1.000 à 3.000 enfants, sont chaque soir refoulées par le 115 faute de place en hébergement d'urgence. Selon la fondation, 735 personnes mortes dans la rue et âgées en moyenne de 49 ans, un record en douze ans.

• Plus de 2,7 millions de ménages ont demandé un logement social

Les demandes de logements sociaux n'ont pas cessé de grimper, dépassant les 2,7 millions de ménages fin 2024, tandis que les logements sociaux disponibles suivent la pente inverse (environ 84.000 en 2024, contre 124.000 en 2016).

En 2023, seuls 393.000 logements sociaux ont été attribués, soit près de 100.000 de moins qu'en 2016. C'est moins d'un demandeur sur cinq qui reçoit désormais une réponse positive dans l'année et les délais pour obtenir un logement social peuvent atteindre plusieurs années.

Le document rapporte également 19.023 expulsions locatives avec le concours de la force publique en 2023, un record historique et une hausse de 17% en un an.

• 30% des ménages ont eu froid dans leur logement en 2023

Ce tableau noir s'inscrit dans un contexte de paupérisation croissante et de creusement des inégalités, rappellent les auteurs. Le cap du million d'interventions pour impayés a été franchi "pour la première fois" en 2023, presque "deux fois plus qu'en 2020", avec à la clé des réductions de puissance ou des coupures d'électricité ou de gaz.

Le rapport critique par ailleurs les multiples coups de rabot sur le budget de la rénovation, rappelant que la précarité énergétique concerne 12 millions de personnes et que 30% des ménages ont eu froid dans leur logement l'an dernier (contre 14 % en 2020).

Le froid cause une surmortalité de 10.000 personnes chaque hiver, et la chaleur de 5.000 chaque été lors des canicules, aggravées par la mauvaise isolation des logements. Le mal-logement illustre bien à quel point le changement climatique renforce les inégalités: les plus précaires sont les plus exposés à ses conséquences, déplore le rapport.

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Appelant à "changer de cap", la fondation pour le logement des défavorisés réitère son souhait de redonner des capacités d'action aux organismes HLM pour relancer la construction et "d'amplifier les mesures de régulation" en généralisant par exemple l'encadrement des loyers.

• Les personnes en situation de handicap ont 14% de chances en moins d'accéder à un logement social

Un chapitre dédié aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie dresse par ailleurs un constat "décevant", vingt ans après la grande loi sur le handicap. Plus précaires que la moyenne, ces personnes sont confrontées à d'importantes difficultés d'accès au logement et sont davantage victimes de discriminations.

"Dans le parc locatif privé, il y a des discriminations à tous les étages", souligne Manuel Domergue, directeur des études, expliquant que beaucoup de propriétaires refusent des dossiers de location notamment par peur de devoir adapter leur logement au handicap.

De même, les personnes en situation de handicap ont "14% de chances en moins d'accéder à un logement social".

"Il y a une forme d'assignation à résidence faute de réussir à trouver un logement adapté, ce qui renforce les difficultés à sortir des établissements de soin", poursuit Manuel Domergue.

• 2024, une "année blanche"

"On a vu en 2024 un durcissement de la crise de la construction, un grippage du marché immobilier, beaucoup d'alertes sur le front du mal-logement (...) et pourtant, du point de vue des politiques publiques, l'année a été marquée par l'attentisme et le renoncement", observe Christophe Robert, délégué général de la fondation.

Le rapport pointe notamment du doigt "l'instabilité gouvernementale". Selon lui, l'année 2024 a presque été "une année blanche" en matière de politique du logement.

Avec sept mois "sans ministre du Logement en état de prendre d'importantes décisions", l'année aura été "presque blanche", tacle le rapport.

Les deux principales mesures prises par le gouvernement, à savoir l'extension du prêt à taux zéro et l'exonération exceptionnelle de droits de succession sur les donations en cas d'achat d'une résidence principale, sont qualifiées d'"assez contestables" car "inégalitaires et peu écologiques".

"On voit que les préoccupations économiques de relance de l'activité immobilière prennent le pas sur la dimension sociale de la politique du logement, alors qu'on a une crise du logement majeure et qu'il y a besoin de rééquilibrer l'ordre des priorités", déplore Christophe Robert.

Salomé Robles avec AFP