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Société

Les enfants exploités par des réseaux criminels "insuffisamment reconnus et protégés" en France

Le devanture de l'Unicef à Paris, le 7 janvier 2012. (Photo d'illustration)

Le devanture de l'Unicef à Paris, le 7 janvier 2012. (Photo d'illustration) - SEBASTIEN RABANY / Photononstop / Photononstop via AFP

L'Unicef et plusieurs associations dénoncent "la double peine" de milliers d'enfants exploités par des réseaux criminels en France, qui restent encore trop souvent perçus et traités comme des délinquants.

"Pour eux, c'est la double peine": les milliers d'enfants exploités par des réseaux criminels en France restent encore trop souvent perçus et traités comme des délinquants et non comme des victimes, déplorent l'Unicef et des associations qui exhortent l'État à protéger ce public vulnérable.

Ces enfants "ne sont que très insuffisamment reconnus et protégés en tant que victimes", estime l'antenne française de l'agence onusienne pour l'enfance dans un rapport publié mercredi à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la traite d'êtres humains.

Ils "sont trop souvent poursuivis et sanctionnés pénalement pour les infractions commises en conséquence de leur exploitation", ajoute-t-elle, alors que "le droit international et européen impose pourtant de les reconnaître et de les protéger en tant que victimes de traite".

En majorité des jeunes garçons

Selon les données de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), plus de deux tiers des personnes concernées par l'exploitation criminelle (proxénétisme, trafic de stupéfiants, vol à la tire, cambriolage, arnaques à la charité, documents frauduleux...) en France auraient moins de 18 ans.

Parmi les mineurs identifiés par les associations, 92% seraient des mineurs non accompagnés (MNA) et seraient majoritairement originaires du continent africain (81%) -et plus particulièrement d'Algérie et du Maroc- et d'Europe (19 %), notamment Europe de l'Est et du Sud (principalement Roumanie et Bosnie-Herzégovine).

La majorité des victimes serait des garçons ou de jeunes hommes (89%).

"Ceux qui les exploitent mettent en place différentes stratégies : addiction, chantage, menaces, pressions psychologiques, violences", souligne auprès de l'AFP Corentin Bailleul, en charge du plaidoyer pour l'Unicef France.

"Les jeunes exploités sont souvent recrutés sous de fausses promesses, ou contraints à agir pour survivre ou rembourser une dette".

Une exploitation "peu reconnue"

Mais sur le terrain "leur exploitation est peu reconnue, à quelques exceptions près", ajoute-t-il, citant le procès dit des "petits voleurs du Trocadéro" de janvier 2024. Six ressortissants algériens, qui avaient initié à la drogue et gardé sous emprise des adolescents isolés pour les contraindre à commettre des vols sur les touristes, avaient été condamnés à des peines allant jusqu'à six ans de prison ferme.

Le tribunal de Paris avait décrit un "mode opératoire où les mineurs" étaient asservis et "réifiés", "réduits à l'état d'outils". Sa décision avait été qualifiée d'historique et exemplaire par les associations qui avaient salué la "consécration du statut de victimes" des mineurs.

"Le regard qui est porté sur eux n'est pas le bon"

Pour l'Unicef, il est temps que la France inscrive "explicitement" dans son code pénal "qu'une personne victime d'exploitation ne peut être pénalement responsable lorsque l'infraction commise est une conséquence de la traite".

L'agence onusienne appelle également Paris à préciser dans son code civil "que tout mineur exploité, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants".

"Le regard qui est porté sur eux n'est pas le bon, il faut former la police et la justice pour que leur premier réflexe soit de les considérer comme des victimes et non comme des délinquants et mettre fin à cette double peine", abonde Geneviève Colas, coordinatrice du collectif Ensemble contre la traite des êtres humains, qui regroupe 28 associations engagées sur la question.

D'autant que la situation se détériore, alerte la représentante du Secours Catholique - Caritas France: "On avait avant des adolescents, maintenant on a des gamins de 8 à 10 ans qui sont victimes de traite. On constate aussi qu'on a de plus en plus de mineurs" victimes de traites "multiformes" et qui "sont utilisés de l'une à l'autre au gré des besoins et des envies des exploiteurs".

JMA avec AFP