Les dessous de la téléréalité

- - -
Une île. Du soleil. Des créatures de rêve... A première vue, L'Ile de la Tentation a tout pour faire rêver. Pourtant, vue de l'intérieur, l'émission de téléréalité laisse un goût amer. Et une culpabilité, dont Philippe Barthelotte, journaliste qui, de 2001 à 2008 a travaillé sur toutes les émissions de téléréalité de TF1 et M6, souhaite aujourd'hui se débarrasser. Dans son livre, « La tentation d'une île. Derrière les caméras de la téléréalité » (Editions Jacob-Duvernet), il dénonce et tente d'"expier" les méthodes de ce genre de programmes, où les candidats sont exploités, trompés, manipulés, humiliés... En 2008, il avait déjà révélé des tricheries sur Pékin Express, en racontant qu'il avait payé un taxi à des candidats que la production voulait favoriser.
« On cherche des gens beaux et naïfs »
Casteur, puis « producteur de segments », il était chargé de suivre les candidats pas à pas, et même de les « dresser », afin qu'ils obéissent aux demandes de la production. Pour L'Ile de la Tentation, il explique d'ailleurs comment se déroule le casting : « les gens pensent qu'ils ont une chance en envoyant leur candidature, mais la plupart des nombreuses candidatures que l'on reçoit partent à la poubelle. Parce qu'on ne cherche pas des gens qui veulent faire de la télévision, on cherche des gens naïfs, authentiques, qui n'ont aucune idée de ce qu'est la télévision. Donc on va les chercher, on fait du "casting sauvage" : TF1 envoie une douzaine de personnes, les « petites mains » de la production, dans les bars, boîtes de nuit, clubs de gym... pour chercher le couple physiquement agréable, naïf de préférence, qui ne saura pas se défendre. Ce ne sont pas des acteurs, mais de vrais gens. » Et Philippe Bartelotte d'ajouter, en souriant: « Ce qui est amusant dans L'Ile de la Tentation, c'est que les candidats ont tout à perdre, rien à gagner, et pourtant, ils y vont. Leur cadeau c'est 12 jours au soleil, pour briser 3 ans de vie de couple ! ».
« Des tentatrices prêtes à tout... »
« - Qu'est-ce que tu es prête à faire pour participer à cette aventure ? » C'est la question que posait Philippe Barthelotte à chaque candidate "tentatrice", et c'est par cette expérience de "casteur" à l'Ile de la Tentation qu'il a choisi d'ouvrir son livre. « Une question très emblématique de la téléréalité, explique-t-il. Et de notre époque aussi, où l'on est souvent prêt à faire beaucoup de choses pour notre image ou pour gagner de l'argent. »
- Je suis prête à tout, répond la jeune-fille.
- C'est-à-dire ?
La jolie jeune fille qui est assise en face de moi se lève avec un grand sourire aux lèvres. Elle passe derrière la caméra, que j'ai à peine le temps de faire pivoter sur son trépied, et m'embrasse sur la bouche. Devant l'objectif bien sûr. Avec la langue, ça va de soi. »
Cracher dans la soupe ?
Et quand on lui demande si écrire ce livre n'est pas "cracher dans la soupe", Philippe Barthelotte ne se démonte pas : « C'est l'argument, un peu facile, qui reste à mes détracteurs, puisqu'ils n'ont plus rien à dire. Je rappelle que je ne me suis pas enrichi en faisant ces programmes, je ne suis pas producteur. Au mieux, si le livre se vend très bien, je gagnerais quelques dizaines de milliers d'euros. Ce qui me permettra de... payer mon loyer. » Visiblement partagé entre le rire et les larmes, entre la jouissance et la culpabilité, Philippe Barthelotte ajoute : « Ce livre, c'est un règlement de compte avec moi-même. Je ne regrette rien. Si c'était à refaire, je le referai. C'était très amusant. »