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Société

Les conditions de travail à La Poste pointées du doigt après l'AVC d'une employée

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- - Loic Venance/AFP

Victime d'un AVC en février 2016, Émeline B. a intenté un procès contre trois encadrants du centre de tri de La Poste à Villeneuve-D'ascq, à qui elle reproche d'avoir tardé à appeler les secours. Un an et demi plus tard, un nouveau rapport réalisé par un cabinet d'expertise met en exergue les conditions de travail des employés.

Le 19 février 2016, Émeline B., salariée en CDD dans un centre de tri de La Poste situé à Villeneuve-D'ascq, prévient sa hiérarchie qu'elle ne se sent pas bien. Sous la pression de ses supérieurs, elle décide de quand même venir travailler. Son état s'était dégradé mais on lui avait demandé de terminer une tâche en cours avant l'arrivée des pompiers. Ces derniers n'avaient été appelés que trois heures après sa prise de poste. 

La jeune femme avait mis quelques mois à révéler son histoire, avant de finalement décider de porter plainte contre trois de ses supérieurs hiérarchiques, pour non-assistance à personne en danger. Sa plainte a été classé sans suite cet été. 

Recours excessif aux CDD, soumis à forte pression

Mais un autre élément vient aujourd'hui mettre en lumière son témoignage. Un rapport sur les conditions de travail commandé en octobre 2016 par le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au cabinet Cateis est particulièrement accablant pour La Poste.

Ce rapport dont l'AFP a obtenu une copie, met en lumière les conditions de travail dans le centre de tri de Villeneuve-D'ascq. Il évoque un recours excessif aux CDD, soumis à forte pression, parfois rappelés sur leur RTT, envoyés sur la plateforme sans accompagnement... 

La plateforme située à Villeneuve-D'ascq emploie 101 salariés et traite le courrier pour une partie de la métropole lilloise.

Obligation de garder le silence au travail

"Le défaut de prise en compte de la gravité de cette situation est lié à une organisation construite sur des règles instables et l'urgence des aléas qui immerge en permanence les agents dans l'incertitude", pointe le rapport du cabinet. Mais aussi à "un climat relationnel très dégradé et délétère où le jugement et la méfiance" prédominent, et à "une pression permanente pour produire coûte que coûte malgré les aléas et sans moyens supplémentaires, repoussant les agents dans leurs derniers retranchements en termes de santé".

Le cabinet d'expertise pointe des "pratiques managériales vécues par les agents comme une forme de persécution": convocations répétées, obligation de garder le silence au travail, etc.

Des méthodes "nocives pour l'équilibres mental"

Ce sont ces procédés qui "tendent à faire peser sur les agents les failles de l'organisation", souligne Catéis, une méthode "nocive pour l'équilibre mental des agents qui finissent par douter de leurs compétences".

Le rapport décrit également des pressions subies par deux membres du CHSCT, telles des procédures disciplinaires à répétition. Elles "ont fait courir sur (l'un d'entre eux) un risque majeur de passage à l'acte" (suicide), dénonce le rapport.

"L'établissement a recruté 32 facteurs en CDI" depuis

Questionnée par l'AFP, la direction Nord de La Poste a déclaré que "depuis les faits, une nouvelle directrice de la plateforme a été nommée et a travaillé avec le secrétaire du CHSCT sur les sujets relevant de la santé et de la sécurité au travail". "L'établissement a recruté 32 facteurs en CDI et un plan de formation important a été mis en place", ajoute-t-elle.

Concernant Émeline B., son avocat Me Loïc Bussy, a annoncé son intention de déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile. L'Assurance maladie n'a par ailleurs pas retenu pour l'AVC la qualification d'accident du travail.

S.Z avec AFP