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Leonarda: comment "sanctuariser l'école"?

Une école parisienne en mai 2007 (photo d'illustration)

Une école parisienne en mai 2007 (photo d'illustration) - -

L'affaire Leonarda pourrait donner lieu à des modifications de la circulaire Valls, sur l'examen des demandes d'asile des étrangers en situation irrégulière, pour mieux protéger les enfants scolarisés. Explications.

Les résultats de l'enquête sur les circonstances de l'interpellation de Leonarda, collégienne d'origine Kosovare renvoyée au Kosovo, doivent être remis vendredi dans la soirée.

Après la remise du rapport d'enquête, les instructions ministérielles pourraient être "précisées" afin de sanctuariser l'école et "le temps de vie scolaire".

Pour Manuel Valls, qui a choisi d'écourter son déplacement aux Antilles, "le fond dépendra du rapport, je dois en discuter avec le président de la République et le Premier ministre. Les principes sont simples: une politique ferme, de maîtrise de nos flux migratoires, une volonté de faire vivre pleinement le droit d'asile, qui aujourd'hui est en danger. Il y a une mise en cause du droit d'asile, on le voit avec les déboutés du droit d'asile".

> Régularisations des parents d'enfants scolarisés: que dit la circulaire?

Manuel Valls, certes soutenu par Vincent Peillon et Harlem Désir, est critiqué dans son propre camp pour sa trop grande fermeté et notamment pour la gestion de l'affaire Leonarda. Si les circonstances de l'éloignement de Leonarda indignent, les associations reprochent également au ministre de l'Intérieur d'avoir durci la ligne fixée par les précédents gouvernements. La politique n'a "pas été assouplie" explique Noëlle Ledeur, du Réseau Education sans frontière (RESF), qui rappelle que l'association milite non pas pour l'humanisation des expulsions, mais pour leur arrêt.

Ainsi, la circulaire du 28 novembre 2012 permet-elle de régulariser les familles dont les enfants étaient scolarisés depuis plus de trois ans. Même si, comme l'a précisé sur BFMTV Bruno Vinay, avocat spécialiste du droit des étrangers, "la scolarisation des enfants n’ouvre aucun droit à la titularisation des parents et l’obtention d’un titre de séjour".

Sauf que dans une circulaire du 13 juin 2006 de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, la période nécessaire de résidence en France était fixée à "au moins deux ans" et la durée de scolarisation des enfants de deux ans seulement. Après plusieurs interpellations d'enfants particulièrement médiatisées, Nicolas Sarkozy avait également demandé dans la circulaire "de suspendre l'éloignement jusqu'à la fin de l'année scolaire 2005/2006". Une mesure qui ne figure pas dans la circulaire de Manuel Valls.

> Comment "sanctuariser l'école?"

Manuel Valls va rentrer précipitemment de son séjour en Guadeloupe et Martinique pour examiner le résultat de l'enquête administrative sur l'éloignement de Leonarda. Et réfléchir avec Jean-Marc Ayrault et François Hollande à la "sanctuarisation de l'école". Autrement dit, il ne sera plus possible d'interpeller les enfants dont la famille est expulsée dans leur école ou lors de sorties scolaires.

"Je plains ces pauvres policiers qui vont devoir s'interroger au briefing du matin pour savoir si tel déplacement en bus est ou non temps scolaire", ironise l'avocat Maître Eolas, sur BFMTV. "Le gouvernement est pris au piège de sa cohérence. S'il veut vraiment sanctuariser l'école, ou en tout cas, protéger les mineurs contre des mesures qui peuvent paraître sinon abusives du moins excessives, la seule chose qui peut efficacement les protéger, c'est une loi. Une circulaire absolument pas".

> Un loi en 2015?

Actuellement, c'est le Ceseda, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui régit la situation des étrangers. Mais il manque une loi. Les circulaires n'ont qu'une valeur de recommandation pour les préfets.

"La France doit transcrire dans le droit français, les directives européennes", avant juillet 2015, indique Mylène Stambouli, avocate au barreau de Paris et membre de la Ligue des droits de l'Homme.

Dans la perspective de la réforme du droit d'asile, une concertation a été organisée. Un projet de loi doit être déposé après les municipales, à l'automne 2014. Pour Noëlle Ledeur de RESF, le gouvernement "essaie de gagner du temps, car la gauche est attendue au tournant" sur le sujet. Alors que le thème de l'immigration devait être abordé dès 2012- il a même fait l'objet d'un rapport- rien n'a alors été fait.

Pour éviter des situations comme celles de la famille de Leonarda, en France depuis près de cinq ans, après que ses deux recours ont été épuisés, "il faudrait notamment réduire la durée de procédure de demande d'asile", explique Mylène Stambouli. Et ainsi, amener le délai entre le dépôt de la demande et la réponse de l'Ofpra (l'Office français de protection des réfugiés et apatrides) à 6 mois, alors que les délais sont actuellement en moyenne de un an. Il faudrait aussi réduire le délai entre la décision de renvoi des déboutés et son exécution.

D'autres pistes, comme la délivrance de titres pluriannuels ou la simplicfication des procédures, sont également évoquées dans le rapport de Matthias Feckl, remis au Premier ministre en mai 2013.

Magali Rangin