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Société

Le barrage de Sivens, un nouveau "Notre-Dame-des-Landes" dans le Tarn

Heurts entre gendarmes et manifestants le 1er septembre dernier dans la forêt de Sivens, dans le Tarn, sur la zone où est prévu le futur barrage.

Heurts entre gendarmes et manifestants le 1er septembre dernier dans la forêt de Sivens, dans le Tarn, sur la zone où est prévu le futur barrage. - Florine Galeorn - AFP

Des dizaines d'opposants campent sur le site pour empêcher les travaux, qui menacent un réservoir de biodiversité. EELV leur a apporté son soutien, contre le Conseil général socialiste du Tarn qui porte le projet.

C'est le "Notre-Dame-des-Landes" du Sud-Ouest. Depuis plus d'une semaine, des échauffourées opposent forces de l'ordre et opposants à un projet de barrage sur la rivière Tescou, dans le département du Tarn. Les militants occupent le terrain, en pleine forêt de Sivens, pour tenter d'empêcher les travaux. Raison de leur opposition? La destruction d'une zone humide où la faune est particulièrement riche, un réservoir de biodiversité de 13 hectares.

Pétards agricoles contre gaz lacrymogènes

Lundi dernier, le 1er septembre, le déboisement de la zone concernée a commencé sous la protection de 130 gendarmes, accueillis par des tirs de cocktails Molotov, de pétards agricoles et de gros pavés. Face à eux, 200 opposants. "Les CRS ont chargé, des gaz lacrymogènes ont été utilisés, il y a des blessés légers", a rapporté Ben Lefetey, le porte-parole du collectif pour la sauvegarde de la zone humide.

Mais le début des travaux n'a pas freiné l'énergie des manifestants. Au contraire. Mercredi, ceux-ci érigeaient de nouvelles barricades pour empêcher l'arrivée des matériels d'abattage lourds, tandis que des agriculteurs sympathisants gênaient l'accès de la zone avec leurs tracteurs. Deux jours plus tard, la justice autorisait l'expulsion des dizaines d'opposants qui, comme sur la "zone à défendre" de Notre-Dame-des-Landes, campent sur le site boisé, parfois perchés dans les arbres.

EE-LV soutient les manifestants

Les 1,5 million de mètres cubes d'eau stockée par le barrage de Sivens visent d'une part à maintenir l'étiage (la partie la plus basse) du cours d'eau, et d'autre part à sécuriser l'approvisionnement en eau des agriculteurs voisins. Le coût du projet, porté par le Conseil général (PS) du Tarn, est estimé à 8,4 millions d'euros.

Un projet "inadapté, dont le coût environnemental et financier est très élevé, au profit de pratiques agricoles qui sont une impasse pour les agriculteurs comme pour la société dans son ensemble", dénonce de son côté le collectif d'opposants, cité par Le Monde. Une critique relayée au niveau national par Europe-Ecologie-Les-Verts, qui a exprimé "tout son soutien" aux opposants à ce "projet désuet qui répond à la logique d'une agriculture productiviste".

Aussi, ce dimanche, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a elle-même appelé le Conseil général du Tarn à "vérifier que les conditions que le ministère met sur les retenues de substitution soient remplies". "Les instructions du ministère sont d'encourager les retenues de substitution, à condition de ne pas encourager l'agriculture intensive", a-t-elle rappelé. Le député européen EELV José Bové y a aussitôt vu une demande de "réévaluation du projet".

Des opposants s'enterrent sur le site

Mais le département et la préfecture du Tarn ont exclu de rouvrir tout débat sur le barrage, estimant que toutes les étapes légales de la consultation avaient été suivies. Ce lundi, le président du Conseil général, Thierry Carcenac, a simplement "rappelé que le projet répondait pleinement aux objectifs évoqués par Ségolène Royal". L'élu socialiste a aussi lancé un "appel au calme".

Sur le terrain, la situation est toujours aussi tendue. Au lendemain d'un "pique-nique citoyen" organisé sur le site par les opposants ce dimanche, cinq militants se sont enterrés à mi-buste pour barrer un chemin d'accès au chantier de déboisement, afin d'empêcher l'entrée d'engins de défrichement. Les forces de l'ordre ont de nouveau fait usage de gaz lacrymogène et une jeune femme a été blessée.

Face à cette situation, Ségolène Royal a finalement décidé lundi soir de la création d'une "mission d'expertise". Tant pour "favoriser le dialogue" que pour "vérifier les garanties d'une gestion durable de la ressource en eau".

Mathilde Tournier, avec AFP